« Monsieur O., vous étiez mon entraîneur. Je venais d’avoir 15 ans. Et vous m’avez violée », écrit Sarah Abitbol dans son livre Un si long silence. Un silence de plus de 30 ans, pour l’ancienne championne de patinage artistique. 30 ans. Les violences envers les femmes sont de plus en plus mises en avant depuis 2017 et l’apparition du mouvement Me too, mais cela ne semble pas suffisant. Surtout lorsque Gwendal Peizerat, ancien champion olympique de patinage artistique déclare : « On était tous au courant du côté déviant de Gilles Beyer ». Ce même Gilles Beyer accusé par Sarah Abitbol de l’avoir violée à l’âge de 15 ans. Depuis de nombreuses actions ont été prises, surtout par le gouvernement. « Un dysfonctionnement général existe au sein de la Fédération française des sports de glace », a déclaré solennellement Roxana Maracineanu, ce 3 février.
Pour autant, doit-on réellement attendre la sortie d’un livre pour comprendre l’ampleur d’un phénomène aussi grave ? Début janvier, c’était Vanessa Springora qui s’emparait de la littérature pour dénoncer sa « relation » passée avec Gabriel Matzneff dans Le Consentement. Elle était âgée de 14 ans. Lui de 50. Plus grave encore, Gabriel Matzneff n’a jamais caché son penchant pour les adolescentes, allant même jusqu’à l’écrire noir sur blanc dans de nombreux romans ou même le clamer haut et fort sur les plateaux télé sous l’œil complaisant des journalistes de l’époque.
Bien heureusement, les journalistes et la presse actuelle participent à ces changements de mentalité envers les femmes et les filles. « La fin de l’Omerta » a titré l’Équipe, le 29 janvier 2020, mettant en avant la parole de patineuses, nageuses et joueuses de tennis, victimes de violences sexuelles. Puis c’est l’effet boule de neige, les langues se délient et les personnalités prennent position. Une cavalière professionnelle dénonce les viols dont elle a été victime par son moniteur et deux autres hommes de son entourage sportif alors qu’elle était adolescente. Saïd Chabane, président du SCO d’Angers, est mis en examen pour agressions sexuelles, un reportage sur France 2 met en avant les violences dans le monde du judo. Puis, une tribune est signée par des personnalités littéraires pour que les choses évoluent dans le domaine de l’édition et Libération révèle qu’une enquête a été ouverte pour « viol » et « agression sexuelle » au lycée militaire de Saint-Cyr. Tout cela la même semaine.
Un effet insoutenable d’avalanche de violence. Est-ce réellement un trop-plein de dénonciations ? Non. Cela signifie simplement que les victimes considèrent que le monde devient petit à petit un milieu plus sûr pour qu’elles puissent parler de sujets aussi graves et douloureux. Pour beaucoup jusqu’ici, le fait de parler mettait en danger leur avenir. Il faut en finir avec ces silences trop longs. Dans le sport, dans la littérature, dans les écoles, dans tous les milieux confondus. Il faut écouter les victimes et les accompagner. Mais surtout, « la peur doit changer de camp ».