Douze ans après RocknRolla, Guy Ritchie revient avec un film de gangsters dans un décor londonien. Si le film est un retour à ses premiers amours, The Gentlemen marque également une rupture dans la filmographie du cinéaste britannique.
« Il n’y a qu’une seule règle dans cette jungle. Quand le lion a faim, il dévore ! ». Des mots prononcés par le personnage principal et qui font écho à ceux exprimés par le réalisateur lui-même, Guy Ritchie. Le cinéaste britannique est toujours autant survolté qu’au début de sa carrière. Même si, à l’image de son héros, le film est moins nerveux visuellement (comme on a l’habitude de voir avec ce réalisateur) son montage reste dynamique, sa mise en scène efficace et ses dialogues mordants. Deux expériences cinématographiques plus calibrées auprès des studios américains (avec Warner pour le film Le Roi Arthur : la légende d’Excalibur, ou encore Disney, avec Aladdin) ont eu des résultats mitigés. Son nouveau film, lui, est plus confidentiel et se déroule au sein de la mafia londonienne. Un véritable retour aux sources.
Comme à son habitude, le réalisateur s’est entouré d’un gros casting. Les acteurs confirmés Hugh Grant et Colin Farrell s’éclatent dans leurs rôles démentiels à « contre-emploi ». Ils sont accompagnés de comédiens plus ou moins connus du public comme le très bon Charlie Hunnam (The Lost City of Z), le jeune Henry Golding (Crazy Rich Asians) et l’impérieuse Michelle Dockery (Downton Abbey). L’ensemble est mené par un Matthew McConaughey en pleine forme dans le rôle d’un mafieux au bout du rouleau. Ce beau monde développe des personnages intéressants aux saillies excellemment écrites. L’intrigue du film se constitue d’un scénario simple dans son concept, mais tortueux dans sa mise en place, dont les multiples rebondissements ne prennent pas de cours le public qui prête attention à tous les détails.
Chez Guy Ritchie, le crime organisé est un petit monde fermé où tout le monde est déjà bien établi et se connaît. Chacun avec son propre statut sait qui aller voir en cas de différends à régler. À l’instar de la série Snatch sortie en 2018, inspirée du film éponyme de Guy Ritchie, The Gentlemen bouleverse ces codes. Le long-métrage intègre la nouvelle génération et sa passion des nouveaux réseaux au sein de l’univers criminel. La jeunesse, sa fougue et son intrépidité. Son absence de respect et son manque de jugeote. Il y a vingt ans chez Guy Ritchie, les jeunes étaient pris dans un engrenage et cherchaient à ne pas se faire manger par de plus gros poissons. Aujourd’hui, ce sont eux qui créent cet engrenage infernal au détriment des anciens.
Là, est la différence marquante du nouveau film du cinéaste britannique. L’ancien mari de Madonna détourne, avec humour par les expressions jouissives de Colin Farrell, l’absence de réflexion de cette génération constamment en train de filmer ce qu’elle fait pour le publier aux yeux du monde. Y compris lorsqu’elle agit de façon inconséquente et irréfléchie. À noter également, l’antagoniste incarné par Henry Golding, capable de tout pour assouvir ses désirs le plus rapidement possible, quitte à outrepasser les « règles » du milieu, celles de son clan incluses. Ce film pourrait marquer un tournant dans la carrière du réalisateur. Moins tourné sur l’énergie de la jeunesse, mais plus posé et centré sur des personnages en bout de course. Toujours est-il que, même s’il n’est plus porté par cette insouciance, Guy Ritchie n’a rien perdu de son art pour exprimer sa fougue.
Paul Guianvarc’h