Rire ou pleurer… il faut choisir

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Les participantes, en cercle, se préparent à une séance de thérapie du rire. A droite, l’animatrice ©Inès Wick

Cet article a été réalisé dans le cadre d’une série de « j’ai testé pour vous » des Masters 1 de l’EDJ.

18 janvier 2022. A Nice, le soleil brille. Mais avec l’épidémie, l’ambiance n’est pas des plus légères. Après des mois de confinement et d’angoisses, la joie de vivre s’est effacée. Quoi de mieux que d’aller se détendre un peu ?

Comme le dit si bien François Rabelais, « le rire est le propre de l’Homme ». Le rire permet, au sein d’une société, de souder des groupes et de créer des liens. Le taux de dépression a triplé en 2021, passant à 32,8 %. L’humain est un animal sociable qui a besoin de l’autre pour exister. Enfermé, seul pendant des semaines, il devient fou, livré à lui-même. Alors si le rire ne vient pas à nous, nous allons venir à lui.

Le ridicule ne tue pas

Les clubs « de rire et du bonheur » proposent des séances de thérapie du rire. En ces temps de Covid, il est possible de réserver des créneaux privés uniquement. Il faut compter 20 euros par personne pour une heure à une heure et demie. Caroline, Karelle, Inès, Julie et Laure sont les participantes. Étudiantes âgées de 21 à 27 ans, elles effectuent leur première séance de yoga du rire. L’animatrice, que nous appellerons Madame Rigologie pour garder son anonymat, les accueille dans un jardin sur les hauteurs de Nice. Munies d’une gourde, d’un tapis et de leurs bruits de gorge, les participantes sont prêtes à relever le défi. « Vous allez être ridicules, et vous sentir ridicules, mais heureusement ça n’a jamais tué personne », prévient-elle. 

La séance commence en plein air, à la vue de tous, debout en cercle. Les étudiantes tapent dans leurs mains en criant « ho ho », « ha ha ha », elles effectuent le « rire du chien qui fait pipi » et alternent respirations profondes, rires forcés puis incontrôlables. Les passants doivent se demander de quel fichtre asile ces jeunes filles se sont évadées.

Gênée au départ, l’ambiance se détend rapidement et de vraies rigolades se font entendre. Après chaque exercice le calme revient. « Fermez les yeux, inspirez, expirez profondément ». Les adhérentes imitent ainsi le ricanement du petit oiseau, du vieux singe, de la girafe au long cou, avec la gestuelle propre à chacun. Tout disparaît, les filles en oublieraient presque qu’elles sont observées. Vingt minutes après le début de la thérapie, une grosse fatigue se fait sentir. Le corps est lourd, la tête est pleine, les participantes se sentent bizarrement barbouillées. Madame Rigologie demande alors : « Vous savez pourquoi les humoristes ont des temps morts dans leurs spectacles ? À chaque fois, s’ils racontent des histoires un peu tristes au beau milieu, c’est parce que si vous riez plus longtemps que 20 minutes, ce n’est pas bon pour le cœur ». Une pause et ça reprend. Un petit garçon, attiré par les bruits, se joint à la séance et piaille au loin. Enfants, nous rions jusqu’à 300 fois par jour, contre 20 fois seulement à l’âge adulte. Au bout d’une heure, l’animatrice installe les tapis de yoga et invite à s’allonger sur le sol. Les amies se gondolent à en avoir mal au ventre. « Je pleure de rire », « j’en peux plus », s’exclament les participantes. Quand tout le monde se calme enfin, le rendez-vous se termine. Toutes sont détendues, souriantes, fatiguées et affamées. « Pour une première séance il faut faire attention à ne pas monter trop dans les tours, quand on n’est pas habitué cela peut devenir dangereux ». D’où l’importance de ne pas faire cela seul chez soi. Les professionnels apprennent à décoder le langage du corps et à réguler les montées de rire en fonction de l’anxiété des participants. « Plus on rit fort, plus on est anxieux ».

Dernière partie de la séance, les participantes sont allongées et mortes de rire. 
© Caroline Rohr

Les bienfaits de la thérapie du rire

Le rire a de nombreuses vertus. Curatif, il est prouvé scientifiquement qu’il fait du bien aux enfants, aux personnes en situation de handicap et aux personnes déprimées. Il aide les patients à surmonter des maladies chroniques et est bénéfique en soins palliatifs. Selon le professeur Rod A. Martin, le rire renforce les défenses immunitaires. Rigoler permet donc de mieux résister aux maladies et aux infections, grâce aux émotions positives générées. Des neurobiologistes ont constaté que le cerveau ne fait pas la différence entre un sourire forcé et un vrai lorsque nos zygomatiques sont contractés. L’hormone de l’endorphine se libère alors, accompagnée d’un effet antalgique (qui agit sur les douleurs). Lorsque l’on rit, il suffit de quelques minutes pour qu’elle se diffuse, contre 30 minutes lors d’une activité sportive. 

Sur le plan physique, rigoler active le diaphragme, ce qui permet une meilleure respiration, plus profonde. Cela masse les intestins, l’estomac et les organes internes, ce qui contribue à une meilleure circulation. Ces faits sont confirmés par une étude américaine publiée dans la mégarevue scientifique PLOS ONE. Elle indique que rire maintient en bonne santé, est bon pour le cœur et redonne le moral et de la motivation aux patients testés. Mentalement, ses effets aident à trouver les ressources nécessaires pour surmonter les difficultés. Rassurez-vous, rire n’est pas que pour les malades. Les ateliers de rigologie voient tous types de publics, des enfants aux étudiants en passant par les cadres d’entreprises, les personnes âgées, et les personnes en bonne santé. Il est recommandé pour une pratique régulière d’effectuer des séances une fois par semaine.

Rire un peu, beaucoup, passionnément… à la folie

Connaissez-vous l’histoire du philosophe grec Chrysippe ? La légende raconte qu’il a énoncé une blague très drôle. Tellement hilarante qu’il s’est étouffé de rire à sa propre plaisanterie, et en est mort. Le British Medical Journal explique que le fou rire entraîne parfois des arrêts cardiaques, des incontinences ou des hernies. Si l’on se poile trop fort, que cela dure longtemps ou de manière incontrôlée, une rupture d’anévrisme peut être déclenchée, à cause de la pression provoquée dans le crâne. La revue fait également mention que l’hilarité jusqu’à la suffocation peut déclencher des crises d’épilepsies gélastiques (dans l’hypothalamus du cerveau). Ces dernières donnent l’impression que la personne face à nous est hilare. A moindre maux, il est possible de perdre connaissance, d’avoir mal à la tête, des vertiges ou de la confusion.

Tout cela est rare, bien évidemment. Rien n’empêche de se tordre de rire lors d’une soirée entre amis ou au quotidien. Alors, sortez vos mouchoirs, pour une fois ce sera une surcharge de bonheur qui fera couler vos larmes !

La naissance du yoga du rire

Le yoga du rire est une thérapie contemporaine. Né en Inde en 1995, il est inventé par le Docteur Madran Kataria. Il expérimente le premier club du rire à Mumbai dans un parc public. Vers la même époque, au début des années 1980, le Docteur Patch Adams commence à soigner ses patients habillé en clown. Il utilise le rire et l’humour comme instruments thérapeutiques. Dans la vie quotidienne comme dans la médecine, cette pratique s’est rapidement développée. Depuis, il existe des milliers de clubs de yoga du rire dans plus de 105 pays. Plus difficile à approcher depuis le Covid, il n’en reste pas moins que nous en avons besoin. Des séances privées en petit comité sont des alternatives qu’il faut considérer. 

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Enzo Bellini*

Laure Gonzalez