Révolution médicale, polémiques, intox : retour sur plus de 200 ans d’histoire des vaccins

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Une étude scientifique publiée en 1998 dans la revue The Lancet établit un lien entre vaccin et autisme, le rapport a été en réalité bidonné par son auteur. (DR)

Depuis les années 90, les scandales et les fausses informations autour des vaccins ne cessent de revenir dans l’actualité. Pourtant, aucune étude scientifique crédible ne démontre réellement des effets néfastes de ces injections. Des épidémies meurtrières ont été combattues grâce à cette invention scientifique plus ancienne qu’elle n’y paraît.

Depuis l’augmentation du nombre de vaccins obligatoires actée en 2018 en France, ceux qu’on appelle les « anti-vax » ont de nouveau été propulsés sous le feu des projecteurs médiatiques. Tous sont alarmistes et assurent que l’on est à l’aube d’une crise sanitaire sans précédent, sous couvert d’une touche de complotisme sur une prétendue mainmise des laboratoires pharmaceutiques sur la politique du gouvernement. Ces craintes n’ont pas émergé à la suite de la mesure décidée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, elles existaient bien avant cette réforme.

Dans un micro-trottoir datant de 1964, année durant laquelle le vaccin contre la poliomyélite est devenu obligatoire, une femme interrogée se demande : « Et si c’est contraire au tempérament de certains enfants ? » La journaliste tente d’en savoir davantage, mais la Française ne rentre pas dans les détails et se contente d’expliquer qu’elle ne souhaite pas vacciner ses enfants.

Pour comprendre comment on en est arrivé là, il est indispensable de connaître quelques dates-clés sur l’histoire des vaccins.

Même si le vaccin contre la variole est devenu obligatoire au Royaume-Uni en 1853, alors que la maladie est meurtrière partout en Europe, des voix s’élèvent contre ce procédé médical totalement innovant à l’époque. Certains pointent le danger d’une telle pratique et n’hésitent pas à prendre appui sur la liberté individuelle et les convictions religieuses de chacun pour justifier une possible dérogation à la règle. Et ils ont obtenu gain de cause en 1898 quand le législateur britannique consent à introduire une clause de conscience pour ceux qui refusent les injections.

Pourtant, il est important de rappeler que la variole a été totalement éradiquée grâce à une campagne de vaccination de grande ampleur menée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le dernier cas a été recensé le 26 octobre 1977 en Somalie. L’existence d’un vaccin ne signifie pas disparition de la maladie. Il est impératif que suffisamment de personnes soient protégées pour éliminer ces infections. Pour toutes les maladies pour lesquelles il existe un vaccin, les chiffres sont formels : à partir du moment où ces injections sont devenues obligatoires, le nombre de cas recensés s’effondre jusqu’à quasiment disparaître.

Intéressons-nous à la couverture vaccinale en France pour différentes maladies potentiellement mortelles.

Pour le tétanos, malgré une couverture médicale proche de 100%, une éradication totale est impossible en raison de la nature même de cette maladie. La toxine à l’origine de l’infection est produite naturellement par une bactérie présente dans la terre. Depuis 1946, le nombre de personnes touchées par cette infection a diminué de 97%. La poliomyélite quant à elle a été totalement éradiquée en France et en Europe grâce à la vaccination rendue progressivement obligatoire dans les années 40. Le dernier cas dans l’hexagone remonte à 1989. L’Organisation Mondiale de la Santé tente de l’éliminer dans le monde entier. La maladie persiste au Pakistan et en Afghanistan.

La rougeole, au centre des revendications des anti-vax

Pour la rougeole, les chiffres montrent qu’il y a bel et bien une couverture vaccinale moins importante que pour les autres maladies. Et pourtant, elle peut se révéler très dangereuse, en particulier pour les nourrissons et les enfants. Cette infection virale éruptive peut entraîner des complications sévères, comme des encéphalites ou des pneumopathies. Si le vaccin a permis une baisse du nombre de malades de 99,8% depuis 1985, des épidémies persistent partout dans le monde, y compris en France. En février, dans la station de Val Thorens, 18 cas ont été recensés. Et cette année, une femme est déjà morte dans le pays des suites de cette infection. Rien que depuis le début de l’année, le nombre de cas dans le monde a augmenté de 300%. 9 malades de la rougeole sur 10 ne sont pas ou mal vaccinés, c’est-à-dire que leurs rappels ne sont pas à jour.

Les raisons de cette épidémie peuvent être résumées en un mot : intox.

Dans cette page Facebook qui comptabilise plus de 17 000 mentions « j’aime », les publications ne tournent qu’autour de théories conspirationnistes. (Capture d’écran Facebook)

Les anti-vax sont convaincus que les vaccins causent l’autisme chez les enfants. Tous s’appuient sur l’étude du scientifique britannique Andrew Wakefield, véritable dieu vivant pour les complotistes du monde entier. Un dieu érigé en martyr. En 1998, il publie dans la revue The Lancet son étude qui établit un lien entre vaccination et autisme. Et pas n’importe quelle injection : le ROR (Rougeole, Oreillons, Rubéole). Il n’en fallait pas plus que le doute s’installe dans les familles. Andrew Wakefield multiplie les interventions dans les médias pour défendre son travail, éveillant les soupçons de la communauté scientifique. En réalité, le chercheur était payé par un avocat qui défendait un groupe anti-vaccins. Le Britannique est même allé plus loin en modifiant les résultats de ses analyses pour qu’elles puissent concorder avec sa théorie. Ainsi, les dates d’apparitions des troubles autistiques chez les enfants examinés ont été changées pour que le ROR soit présenté comme la cause de cette maladie. Il faut attendre 2010 pour que Andrew Wakefield soit radié de l’équivalent anglais de l’ordre des médecins et ne puisse plus exercer. Malgré tout, les conspirationnistes continuent de partager l’étude de 1998 et assurent que le scientifique a été contraint au silence par le lobby pharmaceutique. Il continue de donner des conférences aux Etats-Unis. Depuis la polémique, des recherches ont été faites à ce sujet et aucune n’a permis d’établir un lien entre ROR et autisme.

Autre idée reçue : les vaccins seraient responsables de la mort subite du nourrisson. Interrogée par 20 minutes, Lise Barnéoud, auteure de « Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins » explique que cette intox est apparue en Allemagne en 2000. Depuis, elle revient très souvent dans la bouche des anti-vax. Si aucune étude n’a permis de prouver cette théorie, le nombre de cas observés est tellement faible qu’il demeure toujours plus prudent de vacciner les enfants, au risque peut-être d’une mort subite du nourrisson, plutôt que d’y renoncer et de contracter une infection très grave.

De l’aluminium dans les vaccins, un danger pour la santé ?

Il est vrai que des sels d’aluminium sont présents dans les injections. Ce composant est un adjuvant, c’est-à-dire qu’il a pour but d’améliorer la protection contre les maladies. Tous les vaccins n’ont pas besoin d’adjuvants pour être efficaces, c’est le cas pour le ROR, le BCG (contre la tuberculose) et celui contre la fièvre jaune, et il n’y a pas que l’aluminium qui peut remplir cette fonction. Toujours est-il que cette question est au centre des inquiétudes. « Cela fait un siècle qu’il y a de l’aluminium dans les vaccins et il n’y a qu’en France que cela pose problème », tempête le professeur Patrick Zylberman de l’Ecole des hautes études en santé publique dans les colonnes de 20 minutes.

Pour les parents les plus inquiets, le lien est souvent fait entre les vaccins et l’aluminium contenu dans les déodorants, dont l’usage est déconseillé par de nombreux professionnels de santé. Mais il y a une différence majeure : un déodorant est appliqué quotidiennement sur la peau, alors qu’un vaccin est injecté ponctuellement, et à des périodes très éloignées les unes des autres. Certains scientifiques considèrent par ailleurs que nous n’avons pas assez de recul pour réellement déterminer si cet adjuvant est dangereux pour la santé. L’aluminium a fait son apparition dans les doses à la fin des années 80. Il y a au maximum 0,82mg de cet adjuvant dans une dose, une quantité inférieure au seuil défini par la pharmacopée européenne (0,85mg).

Hélèna Sarracanie