Présidentielle 2022: comment l’histoire de la Ve République démontre qu’il faut toujours se méfier des sondages

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Le match retour Macron-Le Pen annoncé depuis des années dans les sondages aura-t-il lieu ? (Crédit photos : Wikimedia Commons)

Depuis 2017, les différents sondages promettent un duel entre le président actuel et un représentant de l’extrême droite pour avril 2022. L’histoire de la Ve République nous démontre pourtant que les surprises sont légions.

Emmanuel Macron – Marine Le Pen. A en croire la grande majorité des sondages publiés depuis cinq ans, la présidentielle semble déjà jouée entre le sortant et la candidate d’extrême droite. Depuis l’été 2021, Eric Zemmour menace la représentante du RN. En revanche, ni le parti Les Républicains, ni le PS, ni la France Insoumise ne semblent en mesure d’empêcher un duel entre le président de la République et l’un de ses deux adversaires d’extrême droite. Pour beaucoup, le scrutin a déjà livré son verdict. Mais depuis l’élection de 1965, les enquêtes d’opinion ont souvent été mises à mal le jour du vote.

1965: La déception Charles De Gaulle

Le Général de Gaulle remporte la présidentielle mais doit passer par un second tour, contrairement à ce qu’annonçaient les sondages ©Capture d’écran Youtube INA

Le scrutin de 1965 est le premier au suffrage universel direct. Les citoyens peuvent désigner directement le président de la République. A en croire les premières enquêtes d’opinion, l’élection doit ressembler à un plébiscite pour Charles de Gaulle. Le Général a taillé sur mesure une Ve République construite autour de la figure de l’homme providentiel. Personne ne semble capable de contester la victoire du président sortant… Un sondage l’annonce même à 66% des voix au premier tour ! Finalement, François Mitterrand, figure de la IVe République, l’affronte au second tour. Il s’agit du premier échec (relatif) de De Gaulle avant un second mandat agité.

La présidentielle 1965 oppose : Charles de Gaulle (UNR, droite gaulliste), François Mitterrand (CIR, socialiste), Jean Lecanuet (MRP, centre-droit), Jean-Louis Tixier Vignancour (extrême droite), Pierre Marcilhacy (PLE, centre-droit) et Marcel Barbu (Divers Gauche). Crédit: Hugo Romani

1988: La chute de Raymond Barre, la percée de Jean-Marie Le Pen

Avec 14,39% des voix, Jean-Marie Le Pen est la grosse surprise du premier tour ©Capture d’écran Youtube INA

Fin 1987, la gauche semble en mesure de retrouver le second tour. Pourtant un an auparavant, le PS perdait sa majorité à l’Assemblée Nationale. François Mitterrand vampirise les autres partis de gauche dans les premières enquêtes d’opinion. La droite paraît elle divisée : l’ancien premier Ministre Raymond Barre devance Jacques Chirac. Jean-Marie Le Pen, quant à lui, semble promis à une candidature de témoignage. Mais au fil de la campagne, le centriste dévisse pendant que le gaulliste remonte la pente. Finalement, Mitterrand termine largement en tête devant Chirac. Ce dernier n’atteint pas les 20%, handicapé par les scores importants de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen.

Les candidats en 1988 (ne sont marqués que les candidats ayant atteint au moins 2%) : François Mitterrand (PS, socialiste), Jacques Chirac (RPR,droite) , Raymond Barre (UDF, centre-droit), Jean-Marie Le Pen (FN, extrême-droite), André Lajoinie (PCF, communiste), Antoine Waechter (LV, écologiste) et Pierre Juquin (CR, communiste). Crédit: Hugo Romani

1995: Jacques Chirac écarte le favori Edouard Balladur

Jacques Chirac est enfin élu après trois tentatives malheureuses ©Capture d’écran Youtube INA

Depuis 1993, la droite est au pouvoir avec une majorité écrasante RPR-UDF. Le premier ministre Edouard Balladur, très populaire, semble déjà à l’Elysée. Les sondages l’annoncent largement en tête, avec jusqu’à 19 points d’avance sur Jacques Chirac. Mais le natif d’Izmir va se voir dépasser par son concurrent du RPR mais aussi par le socialiste Lionel Jospin ! Largement majoritaire dans le pays en 1995, la droite l’emporte au second tour. Il est à noter qu’un candidat du PS, Jacques Delors, annoncé comme possible favori, s’est retiré de la course à l’Elysée fin 1994.

Les candidats ayant recueilli plus de 1% en 1995 : Edouard Balladur (RPR, droite), Jacques Chirac (RPR, droite), Lionel Jospin (PS, socialiste), Robert Hue (PCF, communiste), Jean-Marie Le Pen (FN, extrême droite), Arlette Laguiller (LO, extrême gauche), Philippe de Villiers (MPF, droite conservatrice), Dominique Voynet (LV, écologiste). Crédit: Hugo Romani

2002: Le cuisant échec de Lionel Jospin

Paris, 9e arrondissement | Erwan F | Flickr
Immense favori avec Jacques Chirac, Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour ©Flickr

Entre 1997 et 2002, la France connaît une période cohabitation. Jacques Chirac préside, Lionel Jospin gouverne. Les deux hommes, déjà présents au second tour en 1995, sont les grands favoris. Jusqu’en mars, aucun candidat ne semble en mesure de menacer le duo Jospin-Chirac. Jean-Pierre Chevènement, le troisième homme annoncé, paraît bien loin avec ses 12%. Jean-Marie Le Pen ne dépasse pas les 10%. Pourtant au soir du premier tour, le représentant de l’extrême droite dame le pion au socialiste, pour affronter le président sortant au second tour. Un véritable séisme dans le monde politique, et plus encore, dans celui des sondages.

En 2002 les candidats sont (seuls sont indiqués les candidats à plus de 1%) : Jacques Chirac (RPR, droite), Lionel Jospin (PS,socialiste), Jean-Marie Le Pen (FN, extrême droite), François Bayrou (UDF, centre-droit), Arlette Laguiller (LO, extrême gauche), Robert Hue (PCF, communiste), Olivier Besancenot (LCR, extrême gauche), Jean-Pierre Chevènement (PR, gauche), Noel Mamère (LV, gauche), Jean Saint-Josse (CPNT, droite) , Alain Madelin (DL, droite), Bruno Mégret (MNR, extrême droite), Christine Boutin (FDS, centre droit), Christiane Taubira (PRG, centre gauche), Corinne Lepage (CAP 21, Centre droit). Crédit: Hugo Romani

2017: Quand le nouveau monde met à mal les sondages

File:Emmanuel Macron (6).JPG - Wikimedia Commons
La victoire d’Emmanuel Macron marque la fin de la domination des deux partis traditionnels PS et LR ©Wikicommons

Entre 2016 et 2017, il ne fait pas bon d’être favori. François Hollande candidat à sa réélection ? Il abandonne début décembre 2016. Juppé et Nicolas Sarkozy se disputent la place de candidat LR ? François Fillon rafle la mise et semble être le grand favori début janvier… mais le « Pénélope Gate » va tout bouleverser. De cette course folle, il en ressort une France divisée en quatre : libérale-progressiste (Emmanuel Macron), libérale-conservatrice (François Fillon), sociale-progressiste (Jean-Luc Mélenchon) et conservatrice (Marine Le Pen). Les quatre candidats se tiennent en moins de 5 points. Finalement, le candidat en Marche et la représentante du FN se qualifient pour le second tour. A partir de février, les sondages ont vu juste. Mais ils ont largement sur-estimé le score du socialiste Benoit Hamon et sous-estimé celui de Jean-Luc Mélenchon.

En 2017, Emmanuel Macron (LREM, centre), Marine Le Pen (FN, extrême droite), François Fillon (LR, droite), Jean-Luc Mélenchon (LFI, gauche radicale), Benoît Hamon (PS, socialiste), Nicolas Dupont-Aignan (DLF, droite souverainiste), Jean Lassalle (Résistons !, centre) et Philippe Poutou (NPA, extrême gauche) sont candidats et obtiennent plus d’1%. Crédit: Hugo Romani

* Ce travail a fait l’objet d’une double vérification juridique et éditoriale par Enzo Bellini *

Hugo Romani