Précarité étudiante : finir le mois avec « une tomate dans son frigo »

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Tous les jours, de nombreux étudiants niçois bénéficient des repas du restaurant universitaire. ©Meriam Riahi

Alors que l’inflation atteint son sommet, les étudiants en payent les conséquences. Loyers, courses, charges… Ces survivants peinent à boucler les fins de mois. Dans les Alpes-Maritimes, les difficultés se font ressentir. 

C’est l’heure du déjeuner. Les étudiants sur le campus de Saint-Jean-d’Angély se précipitent vers le restaurant universitaire. Ils se rangent les uns derrière les autres et se succèdent à la chaîne, afin de bénéficier des repas à prix réduits. “Tu peux m’avancer les sous s’il te plaît ? Je te rembourserai”, murmure un jeune homme à son ami avant de franchir la porte d’entrée. Quelques mètres plus loin, une plainte retentit dans la cour : “Il y a trop de gens, on devrait manger autre part.” “Je n’ai pas les moyens d’aller ailleurs”, rétorque son camarade. Pâtes, poisson, légumes, frites, viande… Bien que les choix soient variés, les avis restent mitigés : “C’est trop gras et on a l’impression de manger la même chose tous les jours… Mais ça cale jusqu’au soir”, glisse Céline à table. D’autres picorent dans leur assiette, avant de jeter les restes à la poubelle.

Manque de moyens ou de temps, le restaurant universitaire ne désemplit pas. Dominique Marchand, présidente du Cnous, a annoncé une hausse de fréquentation de 17% par rapport à l’an dernier, “soit 1,5 million de repas supplémentaires distribués”. Toutefois, seuls les boursiers peuvent bénéficier des repas à 1 euro. Aujourd’hui, les jeunes se restreignent “sur la quantité et la qualité” des aliments, selon Linkee. Un constat partagé par Suresh Kumaraswamy, secrétaire de l’association Action solidaire étudiant : “Lors d’une distribution à domicile, Kamel nous racontait qu’une étudiante avait uniquement une tomate dans son frigo (…) elle n’avait plus rien d’autre pour finir le mois”.

“J’étais assez surpris de l’empathie que pouvaient avoir les niçois”

 La situation alarmante pousse les bénévoles à venir encore plus en aide aux personnes en difficulté. À seulement 21 ans, Kamel Kefif, victime de cette précarité et président de l’association décide d’agir. Polyvalents, les membres d’Action solidaire étudiant interviennent trois fois par mois dans les résidences universitaires pour “au moins 50 étudiants par distribution”. Produits alimentaires, hygiéniques, ainsi que des vides-greniers sont proposés à ces jeunes en première ligne face à l’inflation. Un accompagnement psychologique sera également mis en place à partir de janvier 2023, les consultations étant peu accessibles à cause des prix élevés. L’association est subventionnée par des collectes financières, des dons de pariculiers et des partenariats avec trois Monoprix de la ville. “Parfois, lors des collectes alimentaires, des personnes nous donnent jusqu’à 100 euros de plus. J’étais assez surpris de l’empathie que pouvaient avoir les niçois”, conclut Suresh. 

Augmentation des bourses, revalorisation des APL, bourse de rentrée de 100 euros… Nombreuses sont les initiatives mises en place par l’État. Ces aides sont jugées trop “insuffisantes”, selon les syndicats étudiants. De son côté, L’UNEF a déclaré qu’ “Emmanuel Macron est le président qui a le moins investi en aides directes ces quinze dernières années”, comparé à d’autres gouvernements dont la politique est en faveur de la vie étudiante. Aujourd’hui, “deux étudiants sur trois sont en situation d’extrême précarité, car une fois toutes leurs factures payées, il leur reste moins de 50 euros pour subvenir à leurs besoins », selon une étude publiée par Linkee. 

Meriam Riahi

La précarité étudiante en quelques chiffres : 
4,2% des étudiants ont fait des demandes d’aides d’urgence au Crous en 2016. Pami elles, 45% ont été refusées. 37,5% des étudiants sont boursiers sur critères sociaux. 50,8% des étudiants déclarent avoir dû se restreindre au moins une fois dans l’année. 30,3% déclarent avoir eu au moins un découvert à la banque durant l’année. Un étudiant sur cinq a déjà eu des pensées suicidaires. 20,8% des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2016. 13,5% des étudiants ont déjà renoncé à des soins médicaux par manque de moyens.
Sources : Observatoire national de la Vie Étudiante, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Enquête I-Share, INSEE

Adresses utiles : 
FACE 06 – AGORAé  Espace Étudiant – 9 Rue d’Alsace-Lorraine, 06000 Nice, 09 52 56 56 06Association Action Solidaire Étudiant – Distributions dans la ville de Nice, @action.solidaire.etudiant sur instagram

*Ce travail a fait l’object d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra*