Portrait d’une bipolaire assumée

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Marie (à gauche) et sa compagne Maddy (à droite). ©Marie

La pandémie n’a été tendre envers personne, et encore moins envers ceux atteints de troubles psychiatriques. Marie*, bipolaire, vit avec « maladie » depuis des années. Pour EDJ News, la jeune femme se livre sur son quotidien ponctué de hauts et de bas.

Elle arrive au guidon d’une Suzuki vintage, la crinière qui dépasse du casque, pantalon large et bottes de cuir. Deux cafés plus tard, sans sucre, elle raconte avec légèreté et humour ses bouffées délirantes les plus marquantes ainsi que ses séjours en psychiatrie. Elle regrette les conditions d’enfermement qu’elle a vécues, mais se souvient vivement de chaque personne qu’elle y a rencontrée, de ceux qui ont partagé sa chambre à ceux qu’elle a croisés dans les couloirs. En dépit de son expérience, il suffit de quelques minutes de conversation pour réaliser que Marie, 36 ans, porte un amour profond aux autres. Alors, sans surprise, leur regard compte. Elle explique ainsi : « Les gens te traitent différemment quand tu leur dis que tu as un pet’ au casque ». Puis, elle fait le bilan. « Des amis, j’en ai beaucoup qui sont partis. » Avec les années, elle a su distinguer les « vrais » des « faux ».

Elle est entourée, comprise par ses proches et par sa femme qu’elle se dit « chanceuse » d’avoir. Ce soutien, essentiel, elle l’apporte à son tour à ceux qui en ont besoin. En tant que Marie, elle s’investit au travers de différentes associations, pour les personnes atteintes de troubles de l’humeur, auprès de jeunes enfants jetés à la rue par des parents déstabilisés, « qui n’aiment que ce qu’ils comprennent ». Mais aussi, plus simplement, en tant qu’amie, sœur ou épouse. Parce que c’est important, parce que « ça donne du sens à [sa] vie ».

Sa différence, son super-pouvoir

La bipolarité, c’est une histoire de cycle, de montagnes russes en somme. On monte, et plus on monte, plus on frissonne à l’idée de redescendre. « En fait tout le monde l’a en soi, c’est comme un cancer, ça se déclenche », analyse-t-elle. La jeune Niçoise prend vite conscience que sa vie va changer. Elle s’adapte, comme elle peut. La bipolarité, ça ne se combat pas. On apprend à vivre avec, alors autant s’efforcer d’y voir le positif. Marie le répète, elle a toujours été une grande créative, et ce malgré un parcours scolaire qu’elle juge « classique ». Elle roule une cigarette en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et confie avec une pointe de remords : « J’aurais aimé me lancer dans l’artistique. »

Pendant ses phases de « montée », la globe-trotteuse assure qu’elle pourrait déplacer des montagnes. Cette sensation, elle a appris à la dompter, en tout cas en partie, car elle admet quand même qu’elle flirte bien souvent avec l’impulsivité. Partir seule au bout du monde, co-écrire un livre, s’enrôler comme pompier volontaire, obtenir un Master, annoncer à sa pote que son mec la trompe. Dans cet état de désinhibition rien ne lui fait peur et elle en est fière ! En associant ces périodes d’euphorie à la créativité, Marie a su redéfinir sa condition, son super-pouvoir. Et quand vient la redescente, notre héroïne pourra toujours compter sur Maddy, sa compagne, pour l’assister, et la canaliser.

« Les gens comprennent que tu es bipolaire, mais n’acceptent pas que tu te comportes comme tel. » Bien consciente que le monde qui l’entoure, dans un élan désespéré, tente à tout prix de rationaliser ce qu’il ne comprend pas, elle à l’air optimiste. Dans ses grands yeux bleus, on distingue une étincelle d’assurance particulière, propre à ceux qui ont eu le courage de se rencontrer et ont appris à se connaître. Elle tire une dernière bouffée sur sa cigarette, avant de déclarer, pleine de sagesse : « On est comme tout le monde. »

* NDLR : son prénom et son nom ont été modifiés afin de respecter l’anonymat

Hugo Beaucamp