SOCIÉTÉ — L’Office du tourisme de Nice multiplie depuis cinq ans les initiatives en faveur de la communauté LGBT, une clientèle dont le fort pouvoir d’achat est très convoité par les commerçants de la ville.
Pour beaucoup d’entreprises les choses sont claires : les homosexuel(le)s représentent une population plus aisée que la moyenne, et ils dépensent. Une cible marketing de choix, que certains économistes appellent le « gay pouvoir ». La capitale azuréenne ne s’y est pas trompée en créant dès 2011 le label « Nice, irisée (couleurs de l’arc-en-ciel, NDLR) naturellement. » Cette initiative permet aux entreprises du tourisme (restauration, hôtellerie, spas,…) de suivre une formation pour accueillir de façon optimale et dans une atmosphère rassurante les clients de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans). 88 entreprises niçoises ont suivi ces séminaires depuis cinq ans. A la clé, ce label « gay-friendly », sensé attirer une communauté que l’Office de tourisme définit comme plus tentée « par le voyage, une consommation importante » et surtout par un côté « prescriptrice de tendances » qui font des gays de passages à Nice « d’excellents ambassadeurs de la ville. »
Si les membres de la communauté LGBT sont convoités pour leur pouvoir d’achat, — en moyenne 15% supérieur à celui d’un couple hétéro selon Le Parisien — « ce n’est qu’un biais parmi d’autres pour faire passer des messages de tolérance » estime avec pragmatisme Benoît Arnulf, l’un des formateurs en charge du label Nice irisée naturellement : « Il ne faut pas se voiler la face, il y a une visée économique derrière tout ça, mais peu importe comment le problème de l’homophobie est combattu, tant que la finalité est humaniste. » La formation est constitué de scènes pratiques (de discrimination, par exemple) mais aussi de longues discussions avec les commerçants, pour « construire une vraie réflexion sur l’accueil de la clientèle gay, qui ne doit en aucun cas être considérée comme différente d’une autre. »
Un label qui peut aussi gêner
Nice est également à l’origine du festival Lou Queernaval, qui vise à donner de la visibilité aux LGBT avec un défilé pendant le carnaval de la ville. Une initiative supplémentaire qui fait de la capitale azuréenne une destination aussi « gay-friendly » que d’autres villes reconnues telles que Mykonos, San Francisco et Tel Aviv, selon le manuel Mondes du Tourisme en 2011.
Un positionnement également commercial dans une ville qui vit pour une grande part du tourisme, comme l’assume parfaitement Bernard Martinez, directeur de l’Hôtel Wilson dans le centre-ville : « avoir ce label attire plus les gays c’est évident, c’est toujours un plus. Mais nous l’avons demandé aussi par engagement ». Une initiative partagée par la direction de l’Odyssée Hôtel, qui estime qu’il n’a pas « amené plus de clients », et que l’objectif en suivant la formation de l’Office de tourisme était de « soutenir la communauté. » Il faut dire qu’un soutien affiché à la clientèle gay peut même à l’inverse rendre frileux les commerçants. « Il est évident qu’il y a, dans l’ensemble, plus de personnes réticentes à l’idée de soutenir la communauté LGBT que l’inverse. C’est pour ça que notre formation inclut aussi un volet concernant la gestion des conflits et des comportements discriminatoires » note Benoît Arnulf, soulignant qu’« en 2017 encore vous pouvez parfois avoir du mal à trouver une table dans un restaurant ou une chambre dans un hôtel si vous êtes homosexuel. »
La question de l’accueil des clients LGBT est stratégique pour la ville de Nice. Si, à l’échelle nationale, les homosexuels représentent 6 à 7% de la population, soit près de quatre millions de personnes, la capitale azuréenne est selon le Centre LGBT Côte d’Azur la troisème ville où la communauté gay est la plus importante.
Par Clément Avarguès — @ClementAvargues