L’empereur français est mort il y a près de deux siècles, et pourtant son aura attire toujours les collectionneurs. Une simple mèche de cheveux vaut son pesant d’or.
7 700 euros. C’est le montant qu’un grand collectionneur a déboursé le dimanche 4
octobre 2022 pour s’adjuger des tifs impériales. Les enchères ont débuté à 1 200 euros à l’Hôtel des ventes de Cherbourg. Le dénouement s’est finalement déroulé au bout du fil. Ces cheveux sont ceux de Napoléon Ier, empereur des Français de 1804 à 1815. Après sa défaite à Waterloo, le 18 juin 1815, le Corse est contraint à abdiquer de nouveau. Il s’abandonne à la volonté des Anglais qui décident de l’envoyer sur l’île de Sainte-Hélène, dans l’Atlantique sud. C’est dans le contexte de cette longue traversée que ses cheveux ont été prélevés. Napoléon est alors à bord du Northumberland, avec ces derniers compagnons d’infortune, déjà en train de rejouer les derniers instants de son épopée.
Sa légende, il l’a construite de son propre chef dès la première campagne d’Italie (1796-1797). Mais c’est bien grâce au Mémorial de Sainte Hélène, rédigé par Emmanuel de Las Cases, que le mythe napoléonien s’est érigé.
Un bicorne à 1,8 million d’euros
Comment représenter Napoléon Ier sans son célèbre couvre-chef ? L’Empereur en aurait
porté près de 120 tout au long de ses campagnes. C’est un symbole encore très prisé des collectionneurs qui s’arrachent les 19 répertoriés de nos jours. En 2018, le bicorne porté par l’Empereur à Waterloo s’est vendu au prix de 350 000 euros, à Lyon. Il avait été retrouvé, par hasard, par un dragon hollandais sur cette morne plaine. Cependant, cette vente est peu de chose en comparaison du couvre-chef acheté 1,8 million d’euros par un collectionneur sud-coréen à Fontainebleau.
Le succès impérial de Napoléon Ier ne se dément pas en librairie, où sa personne a
été l’objet d’une myriade d’ouvrages. Bien qu’il soit décrié comme misogyne et esclavagiste, l’Empereur demeure en haut du classement des personnalités historiques préférées des Français.
À un cheveu du déboulonnage
La figure de Napoléon Ier a bien failli faire les frais de la politique de Rouen. En 2021, le
maire socialiste de la ville normande propose d’édifier une statue de Gisèle Halimi en lieu
et place de celle de l’Empereur. Les membres de l’opposition et les spécialistes du Premier Empire sont montés aux créneaux contre ce qu’ils ont jugé être une forme de « cancel culture ». Le directeur de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz, a multiplié les tweets acerbes contre la sculpture de substitution installée pendant la rénovation de la statue équestre. L’ouvrage artistique, posé sur la place de l’Hôtel de ville à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, représentait Napoléon Ier sur un vélo, en roue arrière, un sac à dos version livreur Uber. « À l’inculture historique s’ajoute désormais la provocation et la bêtise », s’est-il exprimé sur Twitter. La suite de l’histoire est un camouflet pour le maire de Rouen. Le vote de concertation en ligne, pour statuer sur l’avenir de la sculpture équestre, a donné raison à l’empereur : 68 % de Rouennais ont souhaité le retour de la statue à sa place.
La geste napoléonienne est bien sûr à nuancer, ne serait-ce que par la part d’ombre qu’elle contient. Mais le million de soldats français morts sous son règne ne doivent pas faire oublier les grandes réformes qu’il a entreprises pour la France. Elles ont permis à l’Etat d’avoir ces « masses de granit » que sont le Code civil ou encore le Code pénal. Les réalités de l’époque révolutionnaire et impériale ne sont pas à observer avec notre prisme contemporain, mais bien avec les sources historiques dont nous disposons sur cette période.
Rémi Girardet
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Ismahan Stambouli*