Le 5 novembre dernier, à Berlin, la Niçoise Élodie Moore est devenue championne du monde de bodybuilding. En dehors de la compétition, la Française cherche à ce que sa discipline soit mieux comprise et moins jugée.
À 39 ans, la Niçoise Élodie Moore accumule les titres en bodybuilding. Elle a commencé la compétition en 2012, remportant de nombreux titres régionaux et nationaux. Puis la Française est devenue championne d’Europe et du monde dans la fédération NABBA*. Son dernier exploit est le titre mondial en fédération WFF*. La porte-drapeau de cette discipline peu médiatisée et encore mal comprise revient sur son parcours, son style de vie et ses principaux objectifs.
Qu’est-ce que le bodybuilding ?
Selon Élodie Moore : « Le bodybuilding, c’est bien plus qu’un simple sport. C’est une forme d’art où l’on sculpte son corps pour le présenter de la manière la plus harmonieuse, équilibrée et esthétique sur scène. » Cette discipline sportive est axée sur le développement et la sculpture du corps par le biais de l’entraînement musculaire intensif, de la nutrition et du repos. L’objectif est de développer et de maximiser la masse musculaire tout en minimisant la quantité de graisse corporelle. Les compétitions de bodybuilding évaluent les participants sur la taille, la symétrie, la définition musculaire et la proportion. Les concurrents sont jugés lors de poses qui mettent en valeur leurs muscles de manière esthétique.
Cela fait maintenant une dizaine d’années que vous vous êtes lancée dans le bodybuilding. Comment en êtes-vous venue à pratiquer cette discipline ?
« C’est arrivé par hasard. À 18 ans, j’allais à la salle. Un professeur de sport s’est aperçu que j’étais très rigoureuse en musculation. Il m’a proposé de participer à une compétition, et c’est ainsi que tout a commencé. »
En tant que professionnelle, vous vivez de votre passion ?
« Non. Je suis coach sportif. Je vis de mon métier, pas de ma passion. »
Cette discipline est basée sur les principes fondamentaux de l’entraînement et de la nutrition. Comment les abordez-vous dans votre pratique ?
« L’entraînement et la nutrition vont de pair. La nutrition fait partie intégrante de notre mode de vie, et l’entraînement est plus spécifique. Il est crucial d’ajuster l’apport calorique en fonction de nos besoins. L’hygiène de vie, incluant le sommeil et la gestion du stress, est également essentielle. »
Certains considèrent ce sport comme dangereux, à la fois mentalement et physiquement. Qu’en pensez-vous ?
« Toute pratique peut être dangereuse si elle n’est pas effectuée intelligemment. Il est essentiel d’approcher la discipline avec réflexion pour la pratiquer de manière saine. »
En tant que femme, trouvez-vous plus difficile de pratiquer le bodybuilding ?
« Pas en termes de difficulté physique. Mais le regard des autres peut être différent. Les préjugés persistent, mais personnellement, je m’en fiche de ce que les autres pensent. Je suis bien dans ma peau et c’est tout ce qui compte. L’idée selon laquelle les bodybuildeuses ne sont pas belles est dépassée. C’est simplement une différence qui peut déranger certains, et plus particulièrement les hommes. »
Quels sont les autres préjugés de cette discipline ?
« Beaucoup de gens ont des idées préconçues sur la nutrition et les compléments. Ils manquent souvent d’informations. Les compléments ne sont pas obligatoires, mais bien compris et conseillés, ils peuvent être bénéfiques. »
La pratique du bodybuilding dérange-t-elle ?
« Ce qui dérange, c’est le fait que la discipline soit basée sur le physique. Malheureusement, l’effort intense est invisible le jour de la compétition. Filmer la préparation pourrait aider les gens à comprendre le parcours. »
Depuis 2017, vous êtes en autonomie niveau préparation. Comment gérez-vous l’entraînement et la nutrition sans aide extérieure ?
« Je ne suis pas totalement seule. J’ai des référents de confiance pour différents aspects, y compris une coach scénique. Cette année, j’ai même engagé une préparatrice mentale pour surpasser mes limites. »
Quelles sont vos plus grandes craintes ?
« Je n’en ai pas. »
Même pas le risque de blessure ?
« Y penser, c’est se freiner soi-même. »
La vie de bodybuildeur est-elle robotisée ?
« Non. C’est plutôt une discipline mentale. On suit des routines strictes, mais c’est un choix conscient. La vie extérieure peut sembler différente de celle des autres. Je préfère préparer mes six repas par jour plutôt que de sortir faire la fête. »
Vous mangez six fois par jour ! La fréquence d’entraînement est-elle équivalente ?
« Je m’entraîne six jours sur sept, avec des sessions spécifiques chaque jour. Mais il ne faut pas négliger la récupération. Elle est tout aussi essentielle que l’entraînement et la nutrition pour progresser. »
Et comment travaillez-vous tous les muscles du corps ?
« Le bodybuilding, c’est comme la sculpture. On commence par travailler des gros blocs, les gros muscles, puis on affine les détails au fil du temps. »
Comment vous décririez-vous au-delà du physique ?
« Je suis une personne investie, positive, toujours en quête d’enrichissement. Je ne me focalise pas sur la négativité. Si je réfléchis trop à mes faiblesses, cela pourrait limiter ma progression. Actuellement, je me considère bien, avec du travail, une bonne santé. Tout va bien. »
Pensiez-vous de la même manière avant de vous lancer dans le bodybuilding ?
« Le bodybuilding forge le caractère. On apprend à se connaître, à découvrir nos capacités. C’est très enrichissant. »
Un jour, vous serez amenée à arrêter votre discipline. Avez-vous d’autres passions, voir une idée de reconversion ?
« Tant que j’aime ce que je fais, je continue. Le jour où cela changera, je me lancerais dans un nouveau défi. Dans la vie, il est essentiel de se fixer des objectifs réalisables. J’aime l’aviron, alors pourquoi pas m’y essayer. Avant, j’aimais faire des randonnées et des trails, mais ces activités ne sont pas compatibles avec ma discipline actuelle. »
Finalement, le bodybuilding, c’est une perpétuelle découverte ?
« Absolument. On ne se satisfait jamais. On est constamment à la recherche de la perfection, et c’est ce qui distingue le bodybuildeur du narcissique. Un narcissique, il s’aime. Le bodybuildeur est à la recherche de la perfection, donc il ne s’aime pas. S’il se regarde dans le miroir, c’est pour identifier les axes de progression et les choses à travailler. »
Quentin HATON