Depuis près de deux ans, Mohamed Benazza bichonne les souliers des Niçois directement dans la rue. Même s’il ne peut pas encore vivre de son activité, l’artisan souhaite développer cet ancien métier dont il est littéralement tombé amoureux.
Sur l’immensité de la place Masséna, il peut parfois se sentir bien seul à son stand. « Je peux passer cinq minutes comme des heures à attendre un client », livre, Mohamed Benazza. Cet ancien boulanger puis ouvrier dans le BTP, s’est retrouvé au chômage après un souci de santé il y a deux ans maintenant. « J’avais 57 ans et je ne voulais pas rester seul chez moi à ne rien faire, admet-il. J’ai vu un reportage à la télé et j’ai compris que je devais en faire mon métier ». Comme une évidence. Depuis, les brosses, les pinceaux, les chiffons et autres crèmes pour traiter le cuir ne le quittent plus. Comme cela était fréquent d’en voir les siècles précédents, Mohamed est devenu cireur de chaussures (il s’occupe de tous les objets en cuir.) De ses débuts au quartier de l’Arénas, l’artisan a désormais monté son auto-entreprise, Les cireurs itinérants, et exerce à différents endroits selon les jours de la semaine : la place Masséna, la place du Pin et devant la mairie « uniquement le samedi matin, au moment des mariages ».
Difficile d’en vivre
Si les nombreux passants jettent des regards intrigués sur son stand, peu commun en 2020, ils ne sont que très peu à s’approcher, même pour de simples renseignements. « Si tous les gens qui refusent mes services me donnaient un euro, je n’aurais même plus besoin de travailler, plaisante Mohamed, le sourire aux lèvres. Je pense que les personnes ont honte de se faire cirer les chaussures, c’est une activité assez mal perçue et c’est très difficile de convaincre ». Finalement, trois quarts d’heure après notre arrivée, un client s’est enfin présenté. Venu d’abord pour prendre des renseignements, Laurent*, habitant d’Annecy, accepte de faire briller sa paire de Timberland© en cuir. Dix minutes plus tard, après avoir reçu une tonne de conseils d’un Mohamed passionné, Laurent repart, bluffé par le résultat. « Mes chaussures ont rajeuni de trois ans, s’amuse-t-il. L’entretien du cuir est tout un métier, tout un savoir-faire qu’il faut respecter. Dans une société où l’on jette et achète à tout bout de champ, cela fait du bien d’avoir de quoi entretenir et conserver ses objets ». Mais, l’Annécien était peut-être le seul client du cireur aujourd’hui. Mohamed termine régulièrement des journées sans avoir eu le moindre client. Surtout que son métier est très dépendant du temps. « Je ne peux pas exercer s’il pleut et c’est très difficile l’été, car tout le monde porte des tongs ! », lance-t-il, le tablier de cuir sanglé à la taille.
Positive attitude
En moyenne, sur l’année 2019, son travail lui rapporte seulement 300 euros par mois. Une somme bien insuffisante pour vivre, mais encore loin de décourager l’artisan, qui touchera des indemnités de chômage jusqu’au mois de mai. D’ici là, Mohamed reste confiant et fait tout son possible pour sortir de la précarité. Siège massant ou chaussons pour ne pas avoir froid aux pieds, sur son stand, tout est fait pour prendre soin du client. Le cireur, qui adore son métier, est persuadé de réussir à l’avenir. Il a même un rêve : « Organiser un jour à Nice un concours qui rassemble tous les cireurs de France, voire d’Europe. Une sorte de démonstration pour faire connaître le métier et l’artisanat en cordonnerie ». En attendant que cela se concrétise, Mohamed continue d’être positif et comme il le dit si bien : « Tant que je suis heureux dans ma tête, tout va bien ».
*le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat.