Avec la série Mercredi, sortie le 23 novembre sur Netflix, Tim Burton veut frapper fort. Les personnages de la famille Addams de 1938 n’ont cessé de reprendre vie par diverses interprétations au cours des quatre-vingt dernières années. Cette fois-ci encore, le succès semble assuré…
Si vous pensiez que Stranger Things avait assouvi votre soif de surnaturel et d’aventures macabres, vous serez surpris de voir ce que vous a réservé la série Mercredi. En partie réalisée par Tim Burton, maître du bizarre et des ambiances lugubres, la série anglophone est déjà numéro une sur Netflix, une semaine après sa sortie. D’après Allociné, elle passerait même devant la saison 4 de Stranger Things avec plus de 341 millions d’heures de visionnage au total, contre 335 millions pour la série horrifique de science-fiction. La plateforme estime que la famille Addams se serait invitée dans près de 50 millions de foyers. Des chiffres certes conséquents, mais peu surprenants quand on sait à quel point la série était attendue.
Après avoir été renvoyée de plusieurs établissements scolaires pour avoir maltraité voire torturé des élèves, Mercredi Addams est escortée par ses parents jusqu’à la Nevermore Academy. C’est dans cet établissement pour marginaux que Morticia et Gomez Addams se sont rencontrés pour la première fois. « Tu seras enfin parmi tes semblables », observe sa mère. Le pensionnat est composé de plusieurs clans aux identités surnaturelles. L’adolescente fait la connaissance d’Enid, une louve pour le moins originale, avec laquelle elle doit apprendre à cohabiter. Au fur et à mesure des épisodes, la jeune gothique se fait aussi plusieurs ennemis, dont des sirènes aux yeux translucides, des vampires et autres monstres en tout genre. Là commence la rivalité classique des lycées en ébullition. Mais l’intrigue de la série ne s’arrête pas ici. Tim Burton emmène progressivement le spectateur dans un polar où des meurtres sanglants se succèdent. Plongée dans la peau d’une détective, Mercredi devra résoudre les vieux mystères de l’académie.
Une atmosphère à la Edgar Allan Poe… mais pas que
Dès le début de l’œuvre télévisuelle, les références populaires, cinématographiques et littéraires s’accumulent. Bien que la rivalité « normis », contre « marginaux » rappellent la saga Harry Potter, Mercredi est une ode au génie d’Edgar Allan Poe. Connu pour être une des inspirations privilégiées du réalisateur, l’héroïne cite par exemple une de ses maximes : « ne croyez pas ce que vous entendez et la moitié de ce que vous voyez ». Ces quelques mots illustrent parfaitement la série et son intrigue, avec tous les secrets et les tabous qui entourent l’histoire de Nevermore. Dans une ambiance mi-stressante, mi-humoristique, les cadavres sont progressivement retrouvés avec des parties de corps en moins. Une allusion plutôt franche à Frankenstein et son grand retour du royaume des morts. À ce propos, la mort est un des thèmes récurrents de Mercredi, avec notamment des références aux sorcières de Salem, lorsque l’on plonge dans le passé de l’Académie. Les clins d’œil démoniaques s’enchaînent, trompettes de l’apocalypse, pluie de sang durant un bal, un monstre directement sorti d’un livre de Robert Louis Stevenson… Tout est fait pour réveiller l’enfant intérieur des téléspectateurs et se prêter au jeu.
Rien n’a été laissé au hasard pour cette dernière œuvre de Tim Burton. Jenna Ortega incarne avec justesse le personnage morbide de Mercredi. À l’âge de 20 ans, l’actrice est une star montante d’Hollywood. Elle fait son entrée au cinéma grâce au film Iron Man 3, puis rejoint Disney et se penche enfin sur le monde des séries avec You et Jane the virgin. Une vraie complicité semble se former avec le réalisateur durant le tournage. Tim Burton fait confiance à la jeune actrice et lui propose de revoir les dialogues pour apporter sa touche personnelle au personnage. Cette complicité se ressent par la présence et la manifeste aisance de Jenna Ortega devant la caméra. L’héroïne joue son rôle avec authenticité, ce qui lui vaut d’attirer de nombreux regard sur elle.
Mercredi : un personnage aux multiples facettes
Figée avec une allure presque cadavérique, Mercredi observe. C’est devant la fenêtre strillée de sa chambre que l’on retrouve souvent le personnage à tête tressée. Comme une araignée au milieu de sa toile, on la voit tantôt en train de jouer un morceau au violoncelle, tantôt en pleine discussion avec la Chose, tantôt en train d’écrire son roman. En plus de ses talents innés pour la botanique, l’adolescente fait preuve du don de voyance. Hérité de sa mère, ce pouvoir vient frapper l’étudiante lorsque celle-ci effleure certains objets. Même si cette aptitude plane au dessus de sa tête comme une épée de Damoclès, c’est grâce à son don qu’elle pourra lentement démêler les énigmes de son passé et de l’école.
Rebelle et obstinée, la jeune voyante nage perpétuellement à contre courant. Elle refuse d’entrer dans un groupe secret, tenu à l’origine par sa famille, se révolte en boucle contre ses parents et les décisions du shérif… Mais ce trait de caractère ne l’empêche pas de devenir une véritable clef de voûte entre les personnages. Parmi eux, un monstre osseux et difforme. Piètre résultat visuel pour une série aussi esthétique, mais lié à Mercredi par des sentiments étranges. Bien que l’intrigue ne soit pas facile à démêler dans son entièreté, on peut vite comprendre le rôle intrinsèque de plusieurs protagonistes. Le voile du mystère se lève à la fin de la saison, mais le spectateur est moins surpris que ce qu’il aurait dû l’être.
Mercredi semble osciller en permanence entre deux choix, le bien et le mal, Xavier ou Tyler, sauver ses amis ou résoudre un mystère… l’héroïne n’en est alors pas tout à fait une. Son côté antipathique voire manipulatrice montre son aspect plutôt proche de l’anti-héro. On peut même avoir l’impression que l’écrivaine est plus redoutable et malfaisante que tous les mages et monstres réunis. Les émotions semblent lui faire plus peur que toute autre manigance magique.
Une série aux thématiques actuelles
Ce côté veuve noire permet d’aborder plusieurs thématiques modernes. La nouvelle œuvre de Tim Burton a beau être inspirée des premières séries américaines de 1964, elle aborde par des tournures sarcastiques et humoristiques, des problèmes sociaux comme le harcèlement scolaire, les vieux réflexes du patriarcat, l’indépendance des femmes… On s’aperçoit alors que même dans un lieu fait pour des parias et des êtres surnaturels, les discriminations et les préjugés persistent. Un élément proche du réel qui permet au spectateur de se sentir directement concernés par les relations tissées entre les personnages.
En bref, une série contemporaine, philosophique et lugubre, parfaite pour les soirées d’hiver qui s’annoncent. Après avoir dévoré les huit épisodes de la première saison, il ne reste plus qu’à espérer que les prochaines ne se fassent pas trop attendre !
Julie Marfin
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra et Adrien Roche*