Willy Berton A 38 ans, le premier maître-restaurateur vegan de France, s’apprête a rouvrir le Vegan Gorilla après des travaux. Rencontre avec ce carnivore reconverti.
Après 20 ans passé a cuisiner pour des omnivores, Willy a du tout réapprendre. Si on lui avait dit pendant son CAP qu’un jour il devrait tout végétaliser, il aurait bien ri, du haut de ses 17 ans. Et pourtant. Sourire prolixe, barbe mi-brune, mi-rousse, il reçoit au domicile familial. Un peu haussmannien, très lumineux mais sans prétention. Quelques jouets d’enfants sont dispersés aux pieds d’un canapé d’angle en (faux) daim gris. Et ce sapin qui habille le salon. Il fallait choisir entre celui en plastique fait de pétrole ou un vrai, mais égoïstement abattu. Un dilemme façon vegan. Cuisinier de métier, et chef pendant 10 ans à Monaco, le jeune propriétaire a peu de choses a envier à la gastronomie traditionnelle. Chef, mari, père, puis premier maître restaurateur vegan en mai dernier, Willy continue de pousser les portes du monde végétal. Un label qui ferait bien gonfler quelques chevilles. C’est le régime alimentaire du moment. Le nouveau mode de vie en vogue. Mais il n’aura pas attendu cet engouement pour surfer sur la vague « C’est comme si on découvrait le feu » lâche t-il quand il évoque sa « transformation ». Plus rien n’existe. Il faut tout réapprendre, mais aussi tout réinventer. Si 80% de ses plats sont des créations, c’est grâce à sa « créativité qui s’est exacerbée ».
Depuis le jour où il a décidé de ne plus consommer de produits d’origine animale, c’est toute sa vie qui a changé. « J’étais pas fait pour manger des produits morts » se justifie le trentenaire. Moins 14 kilos sur la balance le premier mois sans fromage. Et tant de nouveaux produits a travailler. «Souvent les vegans deviennent cuisiniers, moi c’est l’inverse je suis un chef qui est devenu vegan ». Une transition devenue une histoire de famille. Il y a 4 ans, il rencontre sa femme, sa muse, une carnivore décomplexée. Son binôme au restaurant. Camille, la fameuse grande femme derrière le grand homme. Puis le déclic, pas en même temps ni de la même façon, mais une idéologie commune naît : s’en ai fini des produits dérivés des animaux. Un mariage et deux enfants plus tard, toute la tribu est sous le même régime. Même Fox, le chien, mange des croquettes végétales. Une singularité qui peut prêter a sourire. Du pain béni pour leurs détracteurs. Mais finalement, c’est un mode de vie aussi déconcertant que respectueux. De la planète, des animaux, du corps humain. Comment passe t-on du carnivore invétéré a premier référent en gastronomie végétale ? On lit beaucoup, on discute, on échange, on teste, aussi. Puis les médias s’en mêlent, l’influence grandit et vient la consécration. Dans quelques jours son restaurant -qui affiche souvent complet- doit rouvrir. Des étoiles, il y pense. Mais « quel inspecteur du Michelin pourrait comprendre ma cuisine ? » s’interroge le petit gorilla comme aime le surnommer sa femme.
Clara Galtier