Je pourrais demander la paix dans le monde et de l’amour en veux-tu en voilà, mais je sais que pour cela, Père Noël, tu devrais offrir de l’intelligence, de la patience et de la tolérance à tous ceux qui peuplent cette Terre. Je le sais, Père Noël, et 7,53 milliards d’humains, ça en fait des cheminées à traverser en une seule nuit. Alors promis, je vais tâcher d’être plus raisonnable dans ma liste de souhaits. Tant de choses sont en chantier, tant de rêves restent à concrétiser, je vais avoir besoin de toi, tes outils et tes lutins pour terminer les travaux et empaqueter les cadeaux.
Cher Père Noël, comme tu le sais, j’essaie de devenir journaliste, dans un pays où mes collègues sont pointés du doigt quand le monde ne tourne plus très rond. Pourquoi ? Soit parce qu’ils écrivent, soit parce qu’ils n’écrivent pas. J’aimerais exercer un métier que tout le monde dit détester avec plaisir alors qu’il achète le journal au tabac du coin, surfe sur l’appli Le Monde dans les transports, boit son café au rythme de France Inter et dîne devant le journal télévisé. Je m’égare un peu, mais comprends-moi Père Noël, tandis que je cherche ma voie, la société me brouille les pistes. C’est pourquoi j’aimerais commander, de la cohérence dans les propos des hommes, de la communication et de la reconnaissance dans l’exercice de nos missions. Je souhaiterais qu’on arrête de prendre en otage la « liberté d’expression » pour prouver par A + B qu’elle est bafouée, mais qu’on s’exprime davantage pour la protéger et l’entretenir. Père Noël, je ne sais pas si tu peux faire ça, mais j’aimerais qu’on se rende compte ici, de la chance que l’on a de parler, de vivre et de crier. Je voudrais de tout mon cœur que chacun prenne conscience de la valeur des mots, de leur poids et de leur choix. Si tout le monde pouvait jouer avec eux à la manière d’un Stéphane De Groodt, mais sans les maltraiter comme un Franck Ribéry, je serais la plus heureuse. J’use des mots tous les jours, c’est le jouet le plus utilisé sur Terre, c’est la seule arme qui devrait être livrée dans le monde. Quand tu les mets sous le sapin, n’oublie pas la notice, cela devrait en aider plus d’un.
Père Noël, j’aimerais plus d’ouverture d’esprit, plus de culture et moins d’arrogance. Je voudrais également plus de pertinence dans les médias et moins de polémistes pour donner de la voix. J’aimerais plus de vérification et beaucoup moins de précipitation. J’aimerais qu’on arrête de faire la course au scoop, je préférerais qu’on coure pour lutter contre les maladies, contre les violences et la connerie. En t’écrivant cette lettre, je pense à un retour à l’information informative, dénuée de fioritures pour faire le buzz. Oui, je sais Monsieur, on dit toujours que c’était mieux avant parce qu’on a peur d’avancer. Alors apporte-moi un peu d’éclaircissement pour notre profession, fais taire les débats sans issue, donne la parole aux gens légitimes, aux citoyens et aux politiciens quand c’est leur tour. Donne la parole aux minorités et aux rejetés autant qu’aux privilégiés.
J’espère que ma lettre parviendra jusqu’à toi et s’il te plaît cette fois ne te trompe pas. L’année dernière, tu m’as apporté beaucoup de doutes et de colère. Un cadeau un peu trop amer. Père Noël, j’aurais peut-être dû écrire cette lettre à Dieu, à Allah ou à Bouddha pour être entendue, mais désolée, je ne crois qu’en toi.