Interdits dans les stades, les fumigènes sont pourtant de plus en plus utilisés malgré les mesures punitives. Il semble que leur utilisation soit devenue un véritable jeu de provocation que les supporters ne semblent pas prêts d’arrêter.
L’image est forte en ce dimanche d’”Olimpico”. Pour les 120 ans du club Phocéens, de nombreuses animations parfument cette belle affiche de la treizième journée de Ligue 1. Et comme pour chaque anniversaire, les bougies sont soufflées. Par dizaines, les fumigènes craquent de part et d’autre des kops marseillais. Quatre jours plus tard, l’ambiance est retombée. La commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel (LFP) inflige 75 000 euros d’amende à l’OM ainsi que deux matchs à huis clos avec sursis pour les deux virages du stade. Ces décisions semblent logiques au regard de la loi qui punit de trois ans de prison et 15 000 euros d’amende, l’introduction d’un engin pyrotechnique dans une enceinte sportive. Dans un contexte sécuritaire extrême en France depuis les attentats de 2015, comment ces hommes (mais aussi ces femmes) parviennent-ils à déjouer les fouilles pour introduire ces “bâtons du diable” ?
Chaussures, sandwich et soutien-gorge
À ce jeu du chat et de la souris, chacun rivalise d’ingéniosité pour faire entrer ledit “fumi” dans sa tribune. Tout le monde y va de sa petite technique, à l’image de ce membre des Ultramarines à Bordeaux : “Moi, j’ai deux techniques. La première est de le coincer entre ma ceinture et mon pantalon. L’autre est beaucoup moins confortable, car je le glisse le long de mon pied dans ma chaussure”. Toujours dans le sud, mais plus à l’est cette fois, ce supporter Nîmois explique : “la responsabilité de les faire rentrer revient parfois aux plus jeunes qui, de par leur “innocence”, passent plus facilement à travers les mailles du filet. Sinon, il y a toujours la technique du sandwich dans lequel on glisse le fumigène à la place de la garniture”. Somme toute, des techniques rudimentaires, mais qui semblent être efficaces. Le 22 novembre, la LFP indiquait dans un communiqué que 1390 engins pyrotechniques ont été allumés depuis le début de la saison, soit le triple par rapport à l’an dernier. Face à cette recrudescence, la commission de discipline enchaîne les mesures punitives auprès des tribunes récalcitrantes. Amendes, huis clos ou encore interdictions stades sont les armes utilisées par la Ligue pour enrayer l’utilisation des fumigènes. Mais avec quelle efficacité ? À titre d’exemple, le club de l’AS Saint-Etienne a pour l’instant joué trois fois (sur six matchs à domicile) dans un Chaudron amputé de ses deux poumons (kop nord et sud). Pourtant, les fumigènes sont y toujours aussi nombreux. Un véritable paradoxe, renforcé par l’utilisation récurrente des images de fumigènes dans les spots publicitaires des clubs et des diffuseurs du championnat.
Fumi tue ?
Source de débats tendus entre supporters et instances dirigeantes, les fumigènes n’ont pour l’heure jamais causé de réels dégâts. Pour ce salarié chez PBG62 à Nice, leur utilisation n’est pas risquée si elle se fait dans de bonnes conditions. “La flamme qui sort du tube est à une température qui peut varier entre 700 et 1500 degrés. C’est pourquoi nous conseillons de les utiliser dans de grands espaces. En le tenant vers le haut, on éloigne la source de chaleur et les risques de contacts sont minimisés. En soi, il y a peu risque à les manipuler, mais il faut tout de même rester vigilant”. Le débat autour des fumigènes, lui, n’est pas près de s’éteindre comme l’illustre cette (nouvelle) polémique du côté de Montpellier. Lors de la treizième journée, les ultras de la butte Paillade ont rendu hommage à Ronan Pointeau, militaire français tué au Mali et fans du MHSC, avec un tifo à son effigie et une dizaine de fumigènes. Malgré l’émotion et le geste de solidarité envers un homme mort pour son pays, la LFP a sanctionné la tribune d’un match à huis clos. Cette décision a provoqué l’indignation des fans de football à travers toute la France, comme cela avait été le cas il y a un an lorsque la commission de discipline avait infligé une amende de 20 000 euros FC Nantes lors du vibrant hommage rendu à Emiliano Sala, disparu dans un crash d’avion.
TOP 10 des plus gros utilisateurs de fumigènes en Ligue 1, en 2018 / 2019 : https://uploads.knightlab.com/storymapjs/4a6fc049fb8f08203bb711ae22fc2791/fumi/draft.html