« Les Filles du Docteur March », entre classique et modernité

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"Little Women" du deuxième film de Greta Gerwig - Allociné

Pour son deuxième long-métrage, Greta Gerwig adapte l’œuvre culte de Louisa May Alcott. La réalisatrice offre une version moderne de ces « petites femmes » sans dénaturer le livre original, paru il y a 150 ans.

Pari osé, pari réussi. Greta Gerwig récupère l’histoire des « Quatre Filles du Docteur March » (« Little Women » en version originale), classique parmi les classiques de la littérature américaine, pour en fournir une nouvelle version. La réalisatrice déconstruit la trame narrative linéaire pour traiter l’histoire sur différentes temporalités. Le présent, à l’image terne et où chacune des filles mène sa vie du mieux possible et le passé, à travers de nombreux flash-back à la couleur jaunie et chaleureuse où elles sont ensemble à la maison durant la Guerre Civile américaine.

Le casting cinq étoiles mené par les merveilleuses Saoirse Ronan (Jo), Emma Watson (Meg), Florence Pugh (Amy) et Eliza Scanlen (Beth), rayonne sur la musique guillerette du français Alexandre Desplat, en route pour de nouvelles récompenses tant son travail sied à merveille au film. Le montage dynamique et les dialogues incisifs du film renforcent l’énergie distillée par des personnages hauts en couleurs.

Intemporel et moderne

La grande force du film réside dans cette dualité. Ces « petites femmes » sont à la fois intemporelles, 150 ans après la parution du livre, et modernes, à peine plus de deux ans suite au mouvement #MeToo. Loin d’une simple retranscription imagée de l’œuvre originale, il s’agit bel et bien d’une adaptation. « Quand on a une histoire si forte entre les mains, on peut jouer avec et la tordre », explique la réalisatrice au micro d’Allociné. Greta Gerwig complexifie les personnages, les rend plus subtils, plus attachants. La timide Beth possède une patte artistique pour le piano utilisé dans le film. La petite peste Amy grandit et voit ses ambitions légitimes de carrière bloquées par des obligations sociétales. L’histoire de la douce Meg ne s’arrête pas à son mariage. Ici, elle élève ses enfants et affronte les difficultés financières du quotidien. Le personnage central de l’histoire, Jo March, alter ego de l’auteure et de la réalisatrice, en est l’incarnation. Écrivaine, elle vend ses histoires à des maisons d’éditions qui modifient son travail afin qu’il soit plus proche des normes, donc plus vendeur, pour des prix au rabais. Passionnée et déterminée, Jo se bat contre la société dont la volonté est de lui fournir un mari et un devoir de femme domestique.

Le film présente les luttes fraternelles, amoureuses, quotidiennes, professionnelles, sans jamais tomber dans le misérabilisme ni l’exagération. Les filles du Docteur March sont tour à tour drôles, agaçantes, touchantes. Humaines, en somme. Ces femmes ont plus à offrir à la société que celle-ci ne veut bien l’accepter. Les sœurs March refusent les conventions et affrontent la vie, ses succès et ses déboires, pour ce qu’elles veulent et ceux qu’elles aiment. 150 ans après le début de leurs aventures, ces « petites femmes » sont décidément bien modernes.