Le vote par correspondance est une pratique répandue aux États-Unis. À l’occasion de ces élections présidentielles, en période de crise du Covid-19, son utilisation bat des records et attise les conflits.
Cent millions. Plus de cent millions d’Américains ont voté par correspondance lors de ces élections présidentielles entre le républicain Donald Trump et le démocrate Joe Biden. Cela représente plus de deux votants sur trois en 2016 où ils n’étaient « que » trente-trois millions à anticiper le vote. Ce « mail ballot » est une habitude au pays de l’Oncle Sam et son utilisation s’est fortement renforcée en cette période de crise du Covid (plus de 230 000 morts et neuf millions de cas aux États-Unis). Si ce moyen est pratique et évite de faire des heures de file d’attente pour voter, il pose d’autres problèmes. Il a notamment été au centre de nombreuses oppositions et craintes de la part des différents partis, des experts ou encore de la presse.
Comment fonctionne le vote par correspondance ?
Il ne possède pas de fonctionnement uniforme mais varie entre chaque État. Si une vingtaine d’entre eux, majoritairement affiliés au parti démocrate, a simplifié la procédure en raison de la crise sanitaire, la plupart reposent sur des règles établies de nombreuses décennies auparavant.
Les bulletins doivent être envoyés par voie postale, à une date limite définie par chaque État, dans les bureaux de vote ou être déposés dans des boîtes aux lettres prévues à cet effet.
Le vote s’effectue sur un papier spécial à insérer dans une enveloppe spécifique et à signer de son nom complet, celui établi sur les listes électorales. Neuf États envoient tous les documents nécessaires aux citoyens, 36 requièrent une demande au préalable des votants tandis que cinq d’entre eux réservent ce moyen de participation uniquement à ceux qui peuvent certifier ne pas pouvoir se rendre en personne dans les bureaux de vote.
Pourquoi il pose problème ?
Les résultats ne seront pas forcément connus au terme de cette journée d’élections. En raison du nombre de bulletins et de la réglementation de la réception des votes et de leur dépouillement, cela pourrait prendre plusieurs jours. Par exemple, les votes par correspondance sont autorisés jusqu’au 12 novembre en Caroline du Nord. Si cet État, traditionnellement républicain, ne devrait pas bouleverser le cours des élections, d’autres posent soucis. Les « Swing States » de Pennsylvanie et du Michigan n’acceptent de dépouiller les « ballots » qu’à partir de 7 heures le jour J, contrairement au Colorado qui s’en est occupé progressivement depuis la réception du premier. Seuls 15% des votes par correspondance seront connus cette nuit, le reste étant dépouillé dans les prochains jours, estiment certains observateurs. Cela sans prendre en compte les éventuels recomptages.
D’autres craignent l’afflux de ces courriers. Les services postaux ne sont pas en mesure de proposer des capacités logistiques suffisantes pour bien traiter cette masse. D’autant plus que l’US Postal a été fortement impacté par la crise sanitaire et celle économique qui s’en est découlée. Les retards ou les courriers perdus sont pris en compte par les différents camps, le parti démocrate notamment, dans les projections. Un juge fédéral a lancé une enquête sur 12 districts postaux de Washington à propos de quelque 300 000 bulletins n’ayant jamais été réceptionnés, rapporte ce soir le New York Times.
Un conflit durant la campagne
« Avec ce système, il y aura des fraudes », martèlent depuis plusieurs mois Donald Trump et le camp républicain. Bien que moins de 1300 cas de fraudes aient été recensés avec le « mail ballot », ils dénoncent un possible envoi de bulletins à des chiens ou à des personnes décédées, donc des votes truqués. Selon une étude du Brennan Center for Justice, un think tank de la New York University Law School, il y aurait « plus de chances d’être tué par la foudre que de truquer un vote par correspondance ».
Les démocrates de leur côté reprochent au camp opposé de mener une campagne pour affaiblir les capacités de l’US Postal. Selon eux, le gouvernement Trump a bloqué une aide économique de plusieurs milliards de dollars uniquement pour nuire aux élections. Cela entraînerait des retards de livraison des courriers. Ils estiment également que Donald Trump a pris la main sur ce système gouvernemental suite à la nomination de Louis Dejoy à sa tête en mai dernier. Il est un ami et généreux donateur de campagne de Donald Trump.