Pour son septième long-métrage, Michel Hazanavicius réalise un conte sur le passage de l’enfance à l’adolescence, sans laisser de côté le changement que cela provoque chez les parents. Si le film est de qualité, la patte de son auteur, elle, irradie l’écran.
Le Prince oublié est un film ambitieux. Ambitieux par les moyens mis à la disposition de son réalisateur. On parle de 24 millions d’euros, là où la moyenne française se situe autour des 4 millions d’euros. Ambitieux par la performance visuelle du film. Il est de moins en moins rare de voir des long-métrages français faire usage d’effets spéciaux, mais cela reste très minoritaire. Ici, les créations des sociétés Digital District et Mikros sont nombreuses et très réussies. Cela donne vie à ce monde imaginaire vif et coloré, issu de l’esprit du personnage principal. Si le visuel est réussi, ce n’est pas le cas de toute la partie formelle.
Le gros point faible du film réside en son personnage principal. Omar Sy, celui qui est censé nous faire entrer dans l’histoire, (c’est le cas de le dire), est tout sauf à son avantage. En effet, l’acteur rebute le spectateur avec un personnage dont le caractère diverge à chaque scène. S’il excelle en papa poule dépassé par l’évolution de sa fille, ce n’est pas le cas dans la partie imaginaire. Plus proche du cinéma habituel de Michel Hazanavicius, avec un visuel développé et des dialogues plus approfondis, l’acteur se transforme en Jean Dujardin dont il reprend les mimiques, les postures et la diction. L’ombre d’OSS 117 plane sur le jeu d’Omar Sy qui dès lors n’arrive plus à prendre la lumière.
Un film d’auteur à hauteur d’enfant
Une des spécialités de Michel Hazanavicius est de développer des personnages qui ne sont pas en adéquation avec le monde qui les entoure. Ainsi OSS 117 représente une certaine France réactionnaire dans un monde en développement ou encore George Valentin dans The Artist qui reste bloqué dans le cinéma muet, là où l’industrie se tourne vers le parlant. Omar Sy n’est pas non plus en phase avec l’âge pris par sa fille et la traite comme une enfant alors qu’elle rentre au collège et cherche juste à éviter la honte provoquée par son père. Touchant parce que décalé, cela crée du rire ainsi que de l’empathie pour ce personnage. Il en va de même avec la voisine, Bérénice Béjo, complément à côté de la plaque et qui intervient toujours au mauvais moment.
Michel Hazanavicius est un grand réalisateur et un auteur hors pair en France dont le talent lui a valu en 2012, un Oscar pour The Artist. Porté par un amour inconditionnel du cinéma, il continue de le transmettre à l’écran. Le monde féerique créé dans Le Prince oublié fonctionne tel un plateau de tournage au sein d’un studio. La régie, les assistants, les mécaniciens, les costumes, les annonces… Tout est fait pour nous montrer l’envers du décor de la création cinématographique. Souhaitant donner à son film une ambiance à la « Pixar », il collabore avec le compositeur Howard Shore (qui a réalisé, entre autres, la bande son du film Le Seigneur des Anneaux). Et comme tous les grands réalisateurs américains, il porte sa qualité d’auteur à la hauteur des enfants. Sans laisser pour compte les adultes. Le Prince oublié est familial où chacun peut se reconnaître. Michel Hazanavicius réalise ici un film universel.