Décédé le 13 novembre dernier, celui que l’on surnommait “l’éternel second” a marqué l’histoire du sport français. Adulé par le public pour ses défaites sportives, “Poupou” possédait pourtant un palmarès digne des plus grands.
L’histoire paraît-il, ne retient que les vainqueurs. Pourtant, depuis 1962, date du premier podium sur le Tour de France de celui que l’on surnommait “l’éternel second”, pas une seule édition de la Grande Boucle ne s’est passée sans que son nom n’apparaisse. Poulidor, si connu du grand public, est devenu un nom commun pour qualifier ceux qui, en sport ou ailleurs, terminent à la seconde place. Homme humble et discret, il s’est forgé une place dans le coeur des Français non pas à cause de ses succès mais grâce à ses déboirs. Un poignet cassé en 1962, une moto faucheuse en 1968, ou encore un maillot jaune raté pour huit dixième de seconde en 1973, le sort ne l’aura pas épargné. Au fil des dix huit saisons qu’il passa dans le peloton professionnel, le Limousin devint “l’éternel second”.
Beau perdant
Il faut tout de même préciser que Poupou s’est mesuré à de sacrés athlètes. Jacques Anquetil fut son plus beau rival sur la route, tout comme les Merckx, Van Impe, Zoetemelk et consorts… À trois reprises, il échoua à la seconde place sur la Grande Boucle. Cinq fois sur la troisième. Une ribambelle de podiums qui constitue encore à l’heure actuelle le record sur la plus grande épreuve cycliste du monde. Cette course a toujours été la compétition de référence pour les Français, et c’est à travers elle que s’est construite la légende Poulidor. Celle de l’éternel second qui se donne corps et âme pour décrocher un des seuls titres qui lui manquait au palmarès.
Une machine à gagner
Derrière cette légende du beau perdant, se cache pourtant une montagne de succès. En effet, ce sont 189 victoires que le cycliste français a amassé durant sa carrière au sein de l’équipe Mercier pour laquelle il est resté fidèle. Plus de quarante ans après sa retraite sportive, c’est une réelle contradiction qui définit ce coureur brun aux mollets saillants. “Si j’avais gagné le Tour ne serait-ce qu’une fois, on n’aurait jamais parlé de moi”. Une réalité qui pose un voile sur une liste interminable de succès. 189 en tout, dont Milan San Remo en 1961, la Flèche Wallonne en 1963 et le Tour d’Espagne en 1964 pour ne citer que celles-là. Sans jamais avoir porté le maillot jaune, Poulidor peut tout de même s’enorgueillir d’avoir remporté sept étapes sur la Grande Boucle, ainsi que Paris-Nice et le critérium du Dauphiné à deux reprises. La liste est encore longue, mais ces triomphes classe le bonhomme aux sommets. Néanmoins, il ne s’était jamais caché, “je manque beaucoup d’ambition. Dès mes débuts, je me suis contenté d’une cinquième place, ou d’un podium”.
« Ses défaites ont plus marqué le public que ses victoires«
Celui que l’on surnommait aussi la “Pouliche” n’avait donc pas un grand appétit pour les victoires. Pierre-Louis Castelli, ancien chroniqueur radio pour France Inter et RMC, explique le paradoxe qui a fait la carrière de Poulidor : “Raymond était adulé non pas parce qu’il remportait de nombreuses courses mais parce que les Français adoraient les beaux perdants. Ses défaites ont plus marqué le public que ses victoires”. En 2020, la caravane du Tour de France lui rendra un dernier hommage. En effet, la douzième étape traversera le village de Saint-Léonard-de-Noblat en Haute-Vienne, où vivait “Poupou” depuis de nombreuses années. Il ne fait pas de doute que ce jour-là, l’éternel second sera alors le premier dans le coeur des Français.