Taika Waititi s’adonne à l’exercice périlleux de réaliser une comédie sur le nazisme. À travers le regard endoctriné mais innocent du petit Jojo, le cinéaste néo-zélandais réussit haut la main son pari.
Est-il possible de rire de tout ? C’est en tout cas ce que pense Taika Waititi avec Jojo Rabbit. Entre deux volets de la saga Marvel « Thor », le réalisateur-acteur-scénariste- producteur néo-zélandais se lance dans ce projet ambitieux : une comédie sur le nazisme. Il incarne en personne Adolf Hitler, l’ami imaginaire de Johannes Betzler, dit « Jojo », jeune garçon endoctriné par un nationalisme aveugle. Un enfant dont l’idéal est bouleversé le jour où il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur maison.
Le film s’appuie sur une pléiade de seconds rôles de qualité (Sam Rockwell, Rebel Wilson, Stephen Merchant). Scarlett Johansson incarne la mère courage, résistante et esseulée, du garçon. L’actrice apporte sa sensibilité au film, lui conférant une profondeur dramatique en opposition avec le reste comique. Dans Jojo Rabbit, ainsi qu’avec Marriage Story, pour lesquels elle est nommée aux Oscars, l’interprète de Black Widow rappelle à tout le monde la formidable actrice qu’elle est. Mais la vitalité du film réside dans les enfants. Véritables révélations, les jeunes Roman Griffin Davis (Jojo), Archie Yates (Yorki) et Thomasin McKenzie (Elsa) excellent dans ce film par l’apport de leur vitalité et de leur candeur pour les deux premiers, par sa gravité pour la dernière.
Un humour fin pour un sujet sensible
Rire de sujets sensibles n’est pas chose aisée. En particulier, lorsque celui en question a provoqué la mort de plusieurs millions d’êtres humains. Le scénario doit pour cela être tout particulièrement intelligent. L’écriture fine de Taika Waititi crée de l’empathie pour ces Allemands, antagonistes de l’Histoire, en détournant par l’humour leur idéologie. Le leader nazi devient l’ami imaginaire absurde d’un enfant de dix ans. « Heil Hitler » est un comique de répétition. L’enthousiasme du jeune garçon à découvrir les « affreux secrets » de la civilisation juive lui confère de l’innocence.
Le réalisateur apporte de nombreuses trouvailles visuelles pour créer des effets comiques. Des sauts de fenêtres, dix nazis dans une pièce ou encore la récupération d’outils pour le parti sont ainsi des scènes humoristiques. Sans tomber dans l’humour facile et potache, le film laisse la part belle aux émotions. Les dialogues, ou les sous-entendus, parfois crus assènent un coup de semonce au spectateur, non préparé à cette violence suite à la comédie. C’est dans cette approche de la haine par l’absurde tout en gardant une trame dramatique que réside la force de Jojo Rabbit. Le film alterne les ambiances sans jamais se perdre dans ses enchaînements. Il émeut sans tomber dans le mélodrame. Est irrévérencieux sans offenser. Taika Waititi prouve avec Jojo Rabbit qu’en étant intelligent, il est encore possible de rire de tout.