Jacques Legros et Thibault Malandrin : « Considérer l’environnement de façon globale et transversale »

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Créer la première chaîne d’information monégasque à l’ambition internationale :  c’est le nouveau défi de Jacques Legros. Présentateur TF1, le journaliste prend les rênes d’un nouveau média, Monté-Carlo Riviera TV (MCRtv). Sous la casquette de rédacteur en chef, son ami, Thibault Malandrin, ancien journaliste police-justice à TF1. Dans un entretien exclusif, les deux hommes abordent l’évolution des questions environnementales dans les médias depuis le début de leur carrière.

Quelle est l’évolution de la thématique environnementale dans les médias français ? 

Jacques Legros : À l’époque, elle n’avait aucune place, rien. Les sujets liés à l’environnement étaient rares et l’approche plutôt punitive. Les premières actions environnementales, c’était le tri des déchets, on apprenait à jeter ses poubelles entre la jaune, la bleue et la verte… Je caricature un peu, mais il devait y avoir un sujet par mois dans les journaux dans lequel on évoquait cette thématique. Aujourd’hui, cela occupe une place quotidienne dans l’information française et notamment dans les journaux télévisés. La prise de conscience a été brutale cet été. Lors des conférences de presse de la rentrée, le mois dernier, on entendait la direction de l’information dire : « L’environnement doit faire partie de notre ADN, il faut insister là-dessus ».

Thibault Malandrin : Pendant mes premières années, on évoquait l’environnement uniquement pour parler de la pollution atmosphérique et on l’illustrait toujours avec les mêmes images d’usines enfumées. À TF1, il n’y avait que deux interlocuteurs qu’on estimait fiables pour parler de ces sujets-là, c’était Nicolas Hulot et, les rares fois où il parlait, le chef Raoni. À mon niveau de journaliste à TF1 qui n’est pas spécialiste de ces questions-là, j’ai vu réellement la bascule à partir de la première COP21, en 2015. Depuis cet été, une période marquante d’un point de vue climatique, toutes les chaînes ont initié des cellules 100 % dédiées à l’environnement.

Jugez-vous le traitement médiatique de l’environnement assez complet en 2022 ? 

JL : Il a déjà le mérite d’exister, mais on est quand même à la remorque. Il subsiste des idées reçues, on ne va pas au fond des choses. L’ambition de MCRtv est justement de pallier cette problématique, de considérer l’environnement de façon globale et transversale. Toutes nos actions sont sujettes à interrogation sur l’environnement. Il faut dire que les choses vont vite et que l’information doit suivre. 

TM : D’autres sujets, relatifs à #Metoo et aux autres problématiques féministes, ont très vite émergé sur la place publique. Les médias en ont rapidement été les précurseurs et je m’en réjouis. Seulement, pour les questions environnementales, j’ai eu l’impression que, lorsque les experts du GIEC agitaient les bras, ça ne prenait pas chez les journalistes. Et généralement, quand ça ne prend pas chez les journalistes, ça ne prend pas dans l’opinion publique. Maintenant, il y a une prise de conscience générale. L’environnement n’est plus seulement traité sous le prisme du climat ou des phénomènes météorologiques.

Les journalistes actuels sont-ils assez formés sur les sujets environnementaux ? 

JL : Si l’environnement a du mal à passer chez nous, c’est parce qu’on n’a ni les compétences, ni les clés nécessaires à la compréhension. On ne comprend pas, donc on n’en parle pas. Il y a une méconnaissance des problèmes techniques de la part des journalistes qui sont plutôt des littéraires, des juristes… Quand j’étais membre du conseil d’administration de l’IPJ Dauphine, j’ai toujours plaidé pour le recrutement de scientifiques. 

TM : Pendant longtemps, ces questions n’étaient pas confiées à des experts. Je me suis par exemple battu pour avoir un spécialiste justice parce que tout le monde ne peut pas s’improviser expert du droit. C’est la même chose pour l’environnement. Aujourd’hui, les choses vont vraiment dans le bon sens. 

Comment votre projet de MCRtv a émergé ? 

JL : C’est la rencontre entre un lieu, des gens, un prince, une histoire qui est déjà très liée à la recherche, à l’environnement et à l’exploration. C’est aussi cette ambition pour Albert II d’être le prince de l’environnement et de se poser en chef d’état, d’où l’investissement dans TV5Monde. Une certaine volonté de sortir de l’écrin paillette, argent et people

TM : On ne s’est pas dit « les gens sont en train de prendre conscience des enjeux environnementaux donc il faut créer une chaîne là-dessus ». Le point de départ est simple : la Principauté de Monaco veut créer une chaîne publique qu’elle n’avait pas jusqu’alors et qui lui permettrait d’adhérer à TV5Monde.

Pourquoi avoir choisi la principauté de Monaco qui, dans l’imaginaire collectif, est aux antipodes de l’écologie ? 

TM : Il y a la connaissance de Monaco avec le côté people, les riches qui polluent avec leur yacht et leur Ferrari… Mais quand on fait un travail un minimum journalistique, on se rend compte que ce n’est pas uniquement ça et qu’il y a beaucoup de mesures environnementales faites. L’objectif de la chaîne est de rompre avec ces clichés.

Quelle sera ligne éditoriale de MCRtv ? 

TM : On ne sera pas une chaîne militante, mais plutôt une chaîne pédagogique, informative avec des experts reconnus dans leur domaine, qui apporteront des informations fiables et recoupées. Si le message n’est pas passé pendant des années, c’est parce que la plupart des citoyens en avaient marre qu’on leur dise comment agir, avec une vision très apocalyptique.

JL : Les médias ont une responsabilité en donnant la parole à ces politiques qui font tort à l’écologie. Mais ils investissent les plateaux parce que ça fait scandale, on est dans “l’Hanouna” permanent. L’extrémisme ne sert jamais la raison et en décourage même certains.

Lucie Guerra, Adrien Roche, Ismahan Stambouli

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra, Adrien Roche et Ismahan Stambouli*