À 24 ans, Sullivan Silverio, quarter-back des Dauphins de Nice et de l’équipe de France, est l’un des meilleurs représentants du football américain sur la Côte d’Azur. Pour lui, l’ascension de ce sport dans le pays est indéniable malgré le manque de moyens.
Dans le milieu du football américain hexagonal, Sullivan Silverio est un des noms qui compte depuis plusieurs années. Aux Dauphins de Nice, son club de toujours, le jeune quarter-back est un peu chez lui : à l’âge de sept ans, il y démarre le flag, la version sans contact du foot US, puis enfile les épaulières cinq ans plus tard. À vrai dire, dans une famille mordue de foot comme les Silverio, difficile de ne pas attraper le virus. « Tout le monde y a joué à un moment donné, se souvient Sullivan. Mon père a démarré avec l’ancien club des Pirates, puis a rejoint les Dauphins à leur création. Commencer le foot était une évidence pour moi. »
Dans son club, il a tout connu : Sullivan dispute deux finales nationales en junior sous le maillot niçois, puis rejoint l’équipe senior, à l’époque en championnat élite, la première division française. C’est en 2016 qu’il se révèle avec une finale de championnat de France perdue face aux Cougars de Saint-Ouen-l’Aumône, et une première sélection en équipe de France dans la foulée. Mais l’année 2017 est terrible pour le Niçois : en plus de la relégation des Dauphins en deuxième division, il se blesse à une vertèbre et se voit privé de championnat d’Europe avec les Bleus. Sans lui, les Français écrivent la plus belle page du football américain tricolore et décrochent la médaille d’or en Finlande.
La difficile concurrence du championnat allemand
Cette victoire marque malgré tout l’avènement de la discipline dans le pays. Depuis ce jour, la France est sur la carte du football américain mondial. Ces dix dernières années, le niveau des joueurs français a clairement monté d’un cran, menant l’équipe nationale au rang des toutes meilleures sélections européennes. Pourtant, Sullivan Silverio voit tout cela avec prudence : « Paradoxalement, à la progression fulgurante de nos joueurs, le championnat de France a baissé de niveau. En élite, les clubs ne paient pas leurs joueurs, ce qui les pousse à partir à l’étranger. Parfois, même la licence est à leurs frais. » C’est vers l’Allemagne et sa prestigieuse German Football League que se dirigent bon nombre de Français, là où ils pourront vivre de leur sport. « Le manque de moyens est le problème numéro un de notre championnat, poursuit le quarter-back. On ne peut pas s’entraîner toute la journée, nous sommes obligés d’avoir un métier en parallèle du foot. » D’avril à septembre, c’est-à-dire hors-saison, Sullivan Silverio travaille dans l’aviation privée à l’aéroport de Nice. Un train de vie qui contraste forcément avec celui des joueurs de NFL aux Etats-Unis, dont le salaire moyen avoisine les 70 000 dollars mensuels.
Depuis quelque temps, des passerelles existent pourtant pour que les Européens traversent l’Atlantique. Si les clubs de NFL ne s’intéressent pas vraiment au vieux continent, malgré les fulgurances de quelques joueurs français dans des camps d’été d’équipes professionnelles, les recruteurs universitaires n’hésitent pas à faire leur marché dans des pays comme la France ou l’Allemagne. Une opportunité qui s’est présentée il y a quelques années pour Sullivan Silverio et son coéquipier niçois Andrew James : « J’avais seize ans lorsqu’une université de troisième division nous a formulé une offre. Malgré la bourse, le coût de la scolarité était de 5000 dollars pour l’année. On avait un mois pour se décider, on a décliné. » Certains Français ont toutefois réussi ce pari, à l’image d’Anthony Mahoungou, champion de première division NCAA en 2017 avec l’illustre université de Purdue.
Un autre pays est pourtant friand de joueurs européens : le Canada. Cette année, la Canadian Football League (CFL) a lancé un partenariat avec la fédération française de football américain consistant à offrir un contrat aux meilleurs joueurs de l’équipe de France, sélectionnés au cours d’un « combine », une journée de tests physiques et techniques. C’est ce même Anthony Mahoungou, ainsi que Tony Anderson, un autre tricolore, qui se sont illustrés le 17 janvier dernier. Les deux prodiges espèrent marcher dans les pas du Manceau Valentin Gnahoua, joueur des Hamilton Tiger-Cats, qui a brillé dès sa première saison en se hissant en finale du dernier championnat canadien.
Les stages en équipe de France aux frais des joueurs
Tant de raisons de penser que l’équipe de France récolte les fruits de cette mutation. Pourtant, celle-ci n’est plus forcément une priorité pour tous les joueurs : « Les stages avec les Bleus sont à nos frais, précise Sullivan Silverio. Par exemple, nous avons dû payer cent euros en plus du déplacement pour participer à celui du mois de novembre. Certains joueurs, y compris des titulaires en puissance, ne veulent plus revenir. » Additionné à cela, le nouveau staff de l’équipe de France, arrivé cette année, est loin de faire l’unanimité. De mauvais augures à quelques mois d’une demi-finale de championnat d’Europe face aux Italiens.
Mais Sullivan Silverio veut tout de même croire au triomphe de son sport en France. Sous le maillot des Bleus, certains joueurs l’ont bluffé : « Adel Bafdile, le joueur des Molosses d’Asnières, est très talentueux pour son âge. Mais je pense surtout à Andrew James, mon coéquipier à Nice. Objectivement, je le mets dans le top 3 des receveurs en Europe. » Et Sullivan n’a hâte que d’une chose, c’est que le potentiel de la nouvelle génération de joueurs français éclate au grand jour. « Au Canada, tout le monde est catégorique : la France est passée devant en termes de talents, affirme le maître à jouer des Dauphins. Mais on en revient toujours au même problème, le manque de moyens et de médiatisation. »