Charles Aznavour aux Invalides : un hommage à côté de la plaque ?

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1990

Lundi 1er octobre, Charles Aznavour s’est éteint à l’âge de 94 ans. Pour honorer la mémoire de cette icône de la chanson française, un hommage national a été organisé dans la cour des Invalides, vendredi dernier, en présence d’Emmanuel Macron et du premier ministre arménien, Nikol Pachanian. Une initiative saluée par certains, mais décriée par d’autres, dont des chanteurs français de renom.

« En France, les poètes ne meurent jamais. » C’est sur ces mots que le Président de la République a conclu son discours, vendredi dernier, lors de l’hommage national rendu à Charles Aznavour. Le cercueil du chanteur, recouvert d’un drapeau tricolore, a ensuite lentement traversé la cour de Invalides, sous les airs de son célèbre titre « Emmenez-moi », entonné par les cœurs de l’armée française.

Symbolique et solennel, sans aucun doute. Grandiloquent et inapproprié, peut-être aussi. C’est en tout cas l’avis de plusieurs chanteurs et amis du franco-arménien. Ces derniers considèrent qu’un hommage national réalisé dans un cadre militaire n’est pas adapté à ce que représentait le lauréat du César d’honneur 1997.

« Aznavour appartient au peuple et les Invalides, ce n’est pas le peuple »

Parmi les artistes n’approuvant pas cette initiative, certaines voix portent plus que d’autres. Hugues Aufray, qui n’a d’ailleurs pas été convié à la cérémonie, est apparu très contrarié au micro de France Inter, le matin même.

Hugues Aufray était très remonté le matin de l’hommage

« La poésie d’Aznavour appartient au peuple et les Invalides, ce n’est pas le peuple, s’indigne-t-il. Il aimait les hommages, mais entre l’hommage des Invalides et l’hommage du peuple français, comme pour Victor Hugo, il aurait préféré ça. » Il a également pointé du doigt la volonté du chef de l’Etat de profiter de l’occasion pour redorer son image. « Charles Aznavour est confisqué par une élite, alors qu’il est populaire, » explique le célèbre auteur.

 

Comme beaucoup de gens, l’auteur de « Santiano » considère qu’un hommage populaire aurait été plus adapté, avec une « traversée de Paris à pied, depuis les Invalides jusqu’à Montmartre ». Michel Fuguain, autre monument de la chanson française, est du même avis, comme il l’a confié à France Info : « Je suis embêté par cet hommage aux Invalides parce que ça veut dire que des hommes politiques, un État, confisquent Charles Aznavour, un artiste populaire, à un peuple. Cela aurait été beaucoup plus représentatif qu’il y ait un cortège qui aille de tel endroit à tel endroit, et le peuple de France se serait mis derrière. » Contrarié par cette cérémonie, le natif de Grenoble n’a pas mâché ses mots : « Qu’est-ce que Charles Aznavour fout dans la cour des Invalides ? Ça n’a rien à voir. »

Un hommage qui a tout de même touché sa famille

Mais qu’en est-il des principaux concernés, à savoir la famille du défunt ? Nicolas Aznavour, le plus jeune fils du chanteur, s’est exprimé sur la question. Bien que pudique, le poète aurait apprécié ces éloges selon son fils. « Pour un fils d’immigrés arméniens soucieux de s’intégrer dans la société française, imaginez quelle joie cela aurait été pour lui de recevoir de tels honneurs des plus hauts dirigeants français et arméniens dans ce lieu ô combien symbolique », a-t-il confié au JDD.

De son côté, loin des polémiques et des récupérations politiques, Serge Lama a préféré se rendre aux obsèques de Charles Aznavour à l’église arménienne de Paris, le lendemain de la cérémonie des Invalides : « C’est l’hommage du cœur, c’est l’hommage qu’il aurait aimé que je lui fasse. » Finalement, à l’image des centaines de vidéos en tout genre postées sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, c’est peut-être cela le plus important : rendre l’hommage que l’on considère soi-même comme étant le plus approprié, tout simplement.