D’après une étude menée par l’Inserm, 26,8 % des Françaises prenaient la pilule en 2023. En 2005, elles étaient plus de la moitié. Une baisse qui s’explique par un changement générationnel et par les impacts sur la santé.
« J’avais des migraines, plein de boutons, et plus aucune libido. » Comme de nombreuses jeunes femmes, Mila Martinache, une étudiante de 21 ans, a boycotté la pilule. L’année dernière, elles étaient environ 9 millions à l’adopter, selon l’enquête « Contexte des sexualités en France », conduite par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) fin novembre. Cinquante ans après que Simone Veil, alors ministre de la Santé, ait porté la loi sur le remboursement par la Sécurité sociale, la contraception orale n’occupe plus la première place.
Désormais, le dispositif intra-utérin (DIU ou stérilet) s’impose comme la méthode la plus utilisée chez les femmes âgées de 18 à 49 ans, selon l’étude de l’Inserm. « Il y a également l’implant, les anneaux (intravaginaux), le patch… », complète Anne Beugnies, pharmacienne à Nice Riquier. D’après elle, les femmes utilisent la pilule pour une question de simplicité. Mais celles qui refusent ont de bonnes raisons : « Les effets indésirables sont sous-estimés. Il y a de grosses contre-indications au niveau cardiovasculaire. Cela augmente également les facteurs sanguins comme le cholestérol. » Au total, plus de 7 femmes sur 10 sont concernées par la contraception.
Quand la santé motive le changement de contraception
Optilova, Optidril, Leelo, Triafemi… Les noms des pilules ne sont pas vraiment attirants. Et leurs effets secondaires le sont encore moins : nausées, douleurs diverses, ou encore sautes d’humeur. Norheen Bouchra en a subi quelques-uns. Le quotidien et le couple de cette étudiante de 22 ans ont été complètement bouleversés. « Ma gynécologue m’avait prescrit une pilule qui ne me correspondait pas. J’ai pris dix kilos et j’ai eu des changements hormonaux importants. Je suis même tombée en dépression », explique-t-elle.
La jeune femme n’avait qu’une solution : changer de contraceptif. Depuis qu’elle a opté pour l’implant, son état mental s’est nettement amélioré. D’ailleurs, Norheen n’est pas la seule à avoir été « libérée de l’emprise de la pilule ».
Son amie, Elsa Marrand, l’a délaissé depuis quelques mois. Une décision qui lui a littéralement sauvé la vie : « Il y a 3 ans, j’avais eu un peu du mal à respirer, donc je suis allée à l’hôpital. En faisant une IRM (Imagerie par résonance magnétique), les médecins ont découvert que j’avais des nodules (masses) dans le sein. J’ai cru que c’était un cancer. Plus le temps passait et plus ça grossissait. Après plusieurs mammographies, le résultat est tombé : ce n’était pas un cancer, heureusement. Mais ce n’est pas passé loin. »
Les médecins lui ont précisé que si elle continuait de prendre ce type de contraception, le cancer risquait réellement de se développer. Elsa a donc été contrainte d’abandonner cette gélule blanche bourrée d’œstrogènes (hormones féminines). Depuis, ces masses ont totalement disparu de sa poitrine. « C’est un poison pour notre corps », insiste-t-elle, encore scandalisée par ce qui lui est arrivé.
« À l’époque, on n’avait pas vraiment le choix »
Légalisée en 1967 par la loi Neuwirth, la pilule a longtemps été le symbole de la libération sexuelle des femmes. Marie Chantal, âgée de 68 ans, a beaucoup à dire sur le sujet, car elle a vécu, comme elle le dit, « l’ère de la pilule ». « À l’époque, on n’avait pas vraiment le choix. La pilule venait d’être légalisée en France, et c’était une révolution. On nous le répétait à la télévision, dans les magazines… Pour nous, c’était presque un miracle. Enfin, on pouvait éviter d’avoir un enfant tous les deux ans, comme nos mères. »
Mais le problème, selon la sexagénaire, c’est que les femmes n’étaient pas assez renseignées sur le sujet. « On ne parlait pas des effets secondaires, ni des alternatives. J’ai pris la pilule pendant près de vingt ans, sans jamais me demander si c’était ce que je voulais vraiment. Je faisais ce qu’on m’avait dit de faire », déclare-t-elle. Geneviève Fabris, quant à elle, admire les jeunes générations qui ont accès à de nombreuses alternatives pour ne pas tomber enceinte.
« Je m’en rappelle encore, à l’époque j’avais des migraines. Mais on mettait ça sur le compte du stress ou de la vie quotidienne. Ce n’est que bien plus tard, en parlant avec mes filles, que j’ai compris que beaucoup de femmes vivaient la même chose. Moi, à leur âge, je n’aurais jamais osé demander autre chose que la pilule à mon médecin. » La septuagénaire poursuit : « Aujourd’hui, il existe même des applications pour suivre leur cycle menstruel. Elles ont le choix, et c’est ça qui fait toute la différence. »
Stella Martinez