Alexandre Villaplane, capitaine de l’Équipe de France lors de la première Coupe du monde de football en 1930, se distingue. Pour le meilleur, comme pour le pire. Sur les terrains, et jusque dans les rangs de l’Allemagne nazie…
Platini, Deschamps, Zidane, Lloris… Les glorieux capitaines de l’Équipe de France sont entrés dans l’histoire. Pourquoi Alexandre Villaplane manque à ce panthéon ? Il mène pourtant les Bleus au premier Mondial en Uruguay, en juillet 1930. Né en 1904, le natif d’Alger rejoint l’Hérault, la région de sa mère, durant l’adolescence. Il atteint le haut niveau avec le FC Cette (« Sète » aujourd’hui), avec lequel il joue la finale de la Coupe de France 1923. La presse loue ce profil atypique. Bien que petit (1,66 mètre), c’est un des premiers joueurs réellement athlétiques. Une condition physique héritée du service militaire, où il remporte des concours d’athlétisme et de natation.
Technique pour l’époque, les journalistes lui attribuent l’invention de la tête plongeante. Au poste de « demi » (milieu défensif) ou de défenseur latéral, « Alex » est infatigable et exemplaire. Légitime donc pour être désigné capitaine lors de ce premier mondial, « le plus beau jour de [sa] vie », selon ses mots. Il reste le plus jeune tricolore (25 ans et 207 jours) à porter le brassard dans une Coupe du monde jusqu’en 2018, battu par Raphaël Varane !
« De déchéance en déchéance »
Sans jamais remporter de titre, Alexandre Villaplane joue dans de bons clubs en France. Mais il doit en changer souvent, son comportement agace et laisse à désirer. Il exaspère les dirigeants, dont la plupart paie cher ses services, malgré la règle de l’amateurisme. L’ancien capitaine des Bleus connaît la création du premier championnat professionnel de football en France, en 1932.
Mais l’Uruguay était bien le sommet de sa carrière. Ensuite, Villaplane passe ses journées aux champs de course et ses nuits dans les cabarets, dans les bras de jolies femmes. Attiré surtout par l’argent, le joueur de l’Olympique d’Antibes ne voit pas ce que peut lui rapporter le football professionnel. La priorité est aux arnaques : paris truqués, jeux d’argent, vols et loterie… Le journal Le Matin se moque de l’homme « radié des fédérations, chassé des sociétés sportives, allant de déchéance en déchéance ». Mais ce ne sont encore que de petites combines minables, « gentilles »…
La guerre et l’oubli
Encore une fois, Alexandre Villaplane ne fait pas comme les autres. Certains, comme son ami Étienne Mattler, star du FC Sochaux, s’engage dans la Résistance. Alex, lui, participe de loin à la bataille de France, au printemps 1940. Fait prisonnier dans un camp près de Dijon, il s’évade après huit jours et rejoint Paris où il reprend ses « petites activités personnelles », comme il dit. L’ancien footballeur fait preuve d’une audace folle. Il arnaque même les occupants nazis et s’attire de gros ennuis.
Repéré en prison par Henri Lafont, un gamin des rues, analphabète mais très intelligent et dangereux. Il devient son associé. Au service des Allemands, ils poursuivent leurs combines : trafics, vols, usurpation d’identité, etc. Mais début 1943, après le revers de Stalingrad, le Reich serre la vis et veut éliminer ces voyous. Envoyé au camp d’internement de Royallieu, près de Compiègne, Villaplane est finalement libéré et rejoint encore Lafont. Les deux criminels obtiennent la nationalité allemande, et de la Gestapo française, deviennent sous-officiers de la SS. Après des massacres perpétrés en France, l’ancien footballeur est arrêté à la Libération, jugé et fusillé le 27 décembre 1944… Alexandre Villaplane, le premier héros des Bleus.
Gaël Lanoue
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Adrien Roche*