Le citron de Menton, reconnaissable par sa teneur en jus, son acidité et sa peau granuleuse est le « fruit d’or » des Alpes-Maritimes. Pourtant, cette année, son indication géographique protégée est menacée. La raison : les mauvaises conditions climatiques des dernières années.
« J’ai fait tout ce que je pouvais », se désole Pierre Ciabaud. Comme tous les jours, l’agrumiculteur parcourt son terrain d’1,5 hectare abritant une centaine de citronniers, sur les hauteurs de Menton. Pourtant, en ce jour grisonnant, sa récolte matinale n’a pas la même saveur. L’inquiétude du Mentonnais s’accroît et il continue d’espérer une once de pluie. « Il n’a pas plu depuis un an », appuie-t-il. Un constat alarmant pour le producteur. Dans ses champs, nombreux sont les citrons mûrs mais, malheureusement, leurs calibres ne leur permettent pas d’obtenir le label Indication géographique protégée (IGP). « Une fois qu’ils sont arrivés à maturité, ils ne grossissent plus », souligne le septuagénaire, « je n’ai pas d’autres choix que de les cueillir maintenant, même s’ils sont grands comme des billes ». Agrumiculteur de génération en génération, ce retraité évalue une perte d’environ 20 %. « Ça pourrait être pire. Un de mes confrères estime 90 % de pertes. Quand je compare, je m’estime heureux », glisse-t-il, un citron à la main.
« La pluie, je ne peux pas la créer »
« Le label n’est pas perdu. Simplement, certains fruits ne remplissent pas le cahier des charges, dont le calibrage demandé : entre 53 et 90 mm », émet Stéphane Constantin, directeur de l’Association pour la promotion du citron (APCM). « Tous les ans, on compte entre 10 et 15 % de fruits déclassés. La nouveauté cette année, c’est que la quantité est doublée », continue-t-il. Ce problème survient à la suite de diverses conditions : le gel, le covid et la sécheresse.
Selon le responsable des syndicats agricoles des Alpes-Maritimes, Fabrice Puech, ces dégâts sont la résultante d’une mauvaise irrigation et auraient pu être évités : « Certains producteurs ont très bien géré leur verger. D’autres moins, car ils n’ont pas pris soin de leurs agrumes. » Un bilan contesté par l’agrumiculteur Mentonnais : « Je suis parvenu à arroser convenablement mes productions. Cependant, les citrons nécessitent également un arrosage naturel. Et la pluie, je ne peux pas la créer. » Pierre Ciabaud redoute que la situation ne se réitère dans les prochaines années, le poussant à « envisager d’arrêter ».
Des solutions envisagées
Parmi les premiers impactés : les producteurs. « Mes citrons IGP sont vendus 7 euros le kilo. Quant à ceux ne portant pas le label, le prix est fixé à 4 euros », constate Pierre Ciabaud, « cela représente un écart de trois euros par kilo. C’est énorme ». Afin de réduire les pertes financières des 63 producteurs de la région, des stratégies commerciales sont envisagées par l’association dirigée par Stéphane Constantin. Parmi elles : « La révision du cahier des charges. » Celle-ci implique la réduction du calibre des citrons IGP. « Cet agrume est très demandé, notamment par les pâtissiers. C’est une valeur ajoutée à leurs productions », appuie Stéphane Constantin. Ce « fruit d’or » est une institution du paysage mentonnais et compte bien garder son label IGP, en vigueur depuis 2015.
Périne Beaugé
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra*