La Prom’ prend son pied 

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Cette année, la Promenade des Anglais fête ses 200 ans © L.D

Et si chaque dimanche la Promenade des Anglais se transformait en un espace entièrement dédié aux piétons ? Entre rêve d’un espace libéré des voitures et craintes logistiques, Niçois et professionnels se divisent.

Imaginez la Promenade des Anglais sans voiture un dimanche matin. Ce ruban de bitume longeant la mer est un lieu emblématique, où touristes et locaux se croisent chaque jour. Mais derrière cette utopie, le bruit des moteurs, les klaxons impatients et les trottoirs encombrés trahissent son usage quotidien : un axe routier essentiel et bondé

Depuis le succès du marathon Nice-Cannes, qui a vu la Promenade entièrement piétonne pour une journée, une vieille idée refait surface : pourquoi ne pas interdire les voitures chaque dimanche ? Pour Anna Danati et Olga Bosngak, hôtelières à Nap by Happy Culture, c’est une perspective  séduisante : « Les touristes adorent les espaces calmes et sécurisés. Une Promenade sans voiture, même une fois par  semaine, ferait venir beaucoup plus de monde. Cela contribuerait à l’image d’une ville accueillante et verte. » Cependant, Olga, plus pragmatique, tempère cet optimisme : « Pour les vacanciers qui arrivent ou partent avec leurs bagages, accéder à l’hôtel en taxi risque de devenir un vrai calvaire. Il ne faut pas oublier que les transports, c’est essentiel. »

Des professionnels entre enthousiasme et inquiétude

L’idée ne séduit pas que les hôteliers. Les commerçants en bord de mer, comme Christelle Lafaurie, y voient une chance de dynamiser leur activité. Employée dans un kiosque sur la Promenade, elle se montre particulièrement ravie sur la piétonnisation de l’axe routier : « Avec plus de piétons, je suis sûre que je verrai plus de clients s’arrêter. Actuellement, beaucoup de gens passent en voiture, mais ils ne s’arrêtent pas. Si la Promenade devient piétonne, même une fois par semaine, cela encouragera les gens à prendre leur temps et à découvrir ce que nous avons à leur offrir.»

Christelle Lafaurie habite sur la Promenade depuis plus de 10 ans. ©Léa Dutrouilh

Un enthousiasme qui est vite assombri par les réalités économiques. En apprenant que chaque fermeture coûte environ 100 000 euros à la collectivité, elle s’étonne de la  nouvelle et change d’avis : « C’est un montant énorme. Qui va payer ça ? Si c’est tous les dimanches, est-ce vraiment rentable pour la ville ? C’est une belle idée, mais il ne faut pas qu’elle devienne un gouffre financier. Sinon, au bout de quelques  mois, on risque de voir ce projet abandonné. » 

En effet, les enjeux financiers deviendraient facilement un frein à cette vision. Et avec eux, d’autres préoccupations apparaissent,  notamment celles des professionnels qui dépendent de la circulation. Pour les chauffeurs de taxi comme Ulrich Fratini, une piétonnisation hebdomadaire  n’est « rien d’autre qu’un casse-tête. Pour nous, c’est vraiment une catastrophe, conteste-t-il. Le dimanche, c’est une journée chargée : les habitants sortent, les touristes bougent, et les voitures sont déjà nombreuses. Si je dois contourner la Promenade pour emmener mes clients, cela va rallonger les trajets, coûter plus cher, et au final créer plus de pollution ailleurs dans la  ville. » Ulrich craint aussi les contrôles renforcés et les complications logistiques. Il est catégorique sur la situation : « Même si on me permet de rouler sur la Promenade avec une dérogation, ce sera compliqué. Les piétons, les cyclistes, les enfants joueront  partout. Il y aura forcément des ralentissements et des problèmes. Ce n’est pas utile, c’est simplement dérangeant. »

Une vision pour un Nice plus vert 

Mais tout le monde ne voit pas cette idée comme une contrainte. Bien au contraire, pour Charly Julien, collaborateur d’Europe Ecologie Les Verts, c’est une « opportunité pour transformer durablement Nice. D’autres grandes villes  l’ont fait, pourquoi pas nous ? On pourrait réserver la partie sud de la Promenade aux piétons, aménager des espaces pour des activités sportives, et sécuriser enfin les pistes cyclables, qui restent trop dangereuses aujourd’hui. » 

Selon lui, Nice dispose déjà des outils pour réussir ce projet. « Le réseau de transports en commun est excellent. Les habitants peuvent se déplacer facilement sans voiture. Ce projet serait une occasion d’encourager son usage, tout en offrant une expérience unique chaque dimanche. » Charly Julien souligne également les bénéfices environnementaux. Une journée sans voiture représenterait moins de pollution et un meilleur moment  pour respirer. « La Promenade est un symbole de Nice. La rendre plus verte, c’est montrer à son tour l’exemple à d’autres villes. » 

Léa Dutrouilh