Canneseries 2024 : la grand-messe du petit écran fait honneur à la musique

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Amine Bouhafa est le compositeur à l'origine des musiques de Les filles d'Olfa, César 2024 du meilleur film documentaire. © Grégoire Lentini / Canneseries

À l’occasion du Festival Canneseries, organisé du 5 au 10 avril, le compositeur Amine Bouhafa figure parmi les membres du Jury Compétition. L’occasion de mettre en lumière le travail de l’ombre mené par ces stakhanovistes des BO.

Pour moi, la musique a toujours été un jeu”. Nul besoin d’en rajouter. Tout est dit. Installé dans son fauteuil, sous les projecteurs de la salle de spectacle de l’Espace Miramar à Cannes, Amine Bouhafa, compositeur franco-tunisien âgé de 37 ans, ne s’en cache pas. Être un homme de l’ombre, ou en tout cas moins médiatisé que les comédiens, n’est pas pour lui déplaire : “Quand je rentre dans un studio, je laisse mon égo sur le palier, assure-t-il, avant de poursuivre, je pense que quand on fait ce métier-là, on est au service d’une œuvre que beaucoup de gens contribuent à construire. Nous, les compositeurs, sommes une partie d’un vaste ensemble”. 

Mon quotidien, c’est écrire, écrire, écrire, et sampler, sampler, sampler…

Entouré de deux étudiants (ndlr : du Campus Georges Méliès à Cannes) venus récolter de précieux conseils auprès de lui, le maestro ne compte pour autant pas occulter le côté stakhanoviste de sa profession : “Ce métier, c’est vraiment énormément de travail. Mon quotidien, c’est écrire, écrire, écrire, et sampler, sampler, sampler…”, reconnaît-il. Hors du cadre du septième art, ceci est d’autant plus perceptible, comme l’explique le virtuose : “S’il s’agit d’un film avec un fond musical conséquent, on peut arriver à une heure et quart, une heure et demie de musique. Pour ce qui est des séries, la charge de travail est encore plus importante. Par exemple, pour la série Tapie sur laquelle j’ai travaillé l’an passé, il y avait quatre heures et demie de musique originale. J’avais trois mois pour la créer”. Des mots qui sonnent comme un avertissement adressé à ceux qui s’imaginent futurs John Williams ou Alexandre Desplat. Conscient d’avoir jeté un froid, et sentant l’inquiétude gagner “son public”, Amine Bouhafa tempère toutefois ses propos : “D’un autre côté, c’est un métier de passion. Pour chaque œuvre, on met un peu de soi, un peu de son cœur à l’intérieur. C’est pour cette raison que finalement, ce n’est pas véritablement un travail, mais un monde incroyable qui vaut la peine d’être découvert”.

Un compositeur, c’est comme un acteur. Il interprète le texte que tu écris et lui donne vie

Lauréat d’un César pour le film Timbuktu en 2015, le franco-tunisien entend bien apporter son expertise musicale au sein du jury. Après le batteur de Police, Stewart Copeland, l’an dernier, c’est sous son œil avisé que les candidats devront performer. Huit compositeurs sont en course pour espérer décrocher le prestigieux prix de la meilleure musique. Laurine Manade, 16 ans, venue assister à la conversation avec le compositeur, rêve de figurer un jour parmi eux : “Ça fait sept ans que j’ai attrapé le virus. Les scènes sans dialogues lors desquelles la musique se charge à elle-seule de nous transmettre des émotions m’ont toujours fascinée”, admet-elle. Également présent dans la salle, Marc Coli, retraité de 69 ans, préfère évoquer la méconnaissance du métier : “Quand Amine Bouhafa a parlé de la charge de travail, j’ai vu toutes les mines déconfites autour de moi. C’est l’exemple qui démontre parfaitement que le grand public ne s’intéresse pas suffisamment au travail des compositeurs”, pointe le sexagénaire. Il se gratte la tête, l’air de chercher ses mots, puis conclut : “Ce que les gens n’ont pas compris, c’est qu’au fond, un compositeur, c’est comme un acteur. Il interprète le texte que tu écris et lui donne vie”. 

Nino Claudez