Drunk, enivrante histoire d’amitié

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Depuis le 2 décembre, Drunk est enfin disponible sur Netflix en France © Sturla Brandth Grøvlen

Huit ans après l’immense La Chasse, le duo Mads Mikkelsen – Thomas Vinterberg revient sur le devant de la scène avec Drunk, long-métrage sorti en 2020 et vainqueur de l’Oscar du meilleur film international en 2021.

« Tu penses que je suis devenu barbant ? » En pleine crise de la quarantaine, rythmée par une infinité de questions existentielles, Martin (à prononcer ‘Martine’), cherche à pimenter sa vie. Personnage principal de Drunk, film oscarisé de Thomas Vinterberg, il multiplie les soirées arrosées au Sazerac pour combattre la routine quotidienne, aux côtés de ses collègues. « Est-ce raisonnable d’être sage ? » Bercés par la Fantaisie en fa mineur de Schubert, quatre professeurs de lycée tentent d’oublier leurs difficultés journalières. L’un tente de sauver son mariage à bout de bras, l’autre regrette de ne pas avoir fondé de famille, un troisième ne parvient plus à suivre le rythme de ses élèves…

Lorsque l’un des protagonistes mentionne la thèse d’un philosophe norvégien, il entraîne ses amis dans un pari fou. Selon cette théorie, l’homme serait né avec un déficit de 0,5 gramme d’alcool dans le sang. Pas besoin d’en dire plus à Martin et ses compères, qui décident de passer de l’abstrait au concret. Boire de 8 heures à 20 heures et jamais le week-end, c’est l’objectif fixé par les quatre acolytes pour expérimenter cette thèse.

Voyage au bout de la vie

Après un début tirant un peu sur la longueur, Drunk commence à nous offrir ce qui lui a valu son Oscar du meilleur film étranger en 2021. Vient cette empathie qui nous emporte sans nous prévenir. À coups de musique classique et d’une jolie dose de moments d’émotions, Thomas Vinterberg nous oblige presque à nous attacher à ses personnages. Il met parfaitement en scène cette routine maladive, les tracas du quotidien, la redondance d’un mariage qui ne fonctionne plus vraiment, les regrets de ne pas avoir trouvé de sens à son existence…

Les protagonistes sont drôles, chaleureux. Parfois honnêtes, parfois non. Ils sont comme nous : vivants. Avec des défauts, des imperfections, une tendance à l’addiction, mais vivants. On rit avec eux, on pleure avec eux, et la réalité finit par nous rattraper. L’alcool unit, il rassure, il nous enferme dans cette petite bulle de bonheur… qui finit par exploser et tout détruire sur son passage.

Mais dans ce voyage effréné de moins de deux heures, le véritable mal est ailleurs : la routine maladive est bien plus néfaste que l’alcool. Tout semble dénué d’intérêt, froid, vide. Martin et sa bande nous inondent de futilités. C’est ce combat contre la banalité, accompagné par une profonde histoire d’amitié, qui constitue le coeur du film. Drunk, c’est une question de masculinité, de pression sociale, de confiance en soi, d’amour. Drunk, c’est une ode aux moments de magie qui éclairent l’obscure redondance de la vie.

Plus belle l’envie

La réussite du film provient, entre autres, d’une fascinante maîtrise du son. Du crépitement des bulles de champagne dans un restaurant de luxe à l’ouverture d’un flash de Smirnoff dans les toilettes taguées du lycée, l’alcool garde toujours la même sensualité. Vinterberg met subtilement en scène la tentation, rendant chaque verre plus attirant que le précédent. « Je ne m’étais jamais senti aussi bien. Il faut expérimenter davantage, on peut aller plus loin. » Cette phrase de Martin résonne dans notre tête au fil de l’histoire, et nous emmène dans un univers de tentation.

La force de Drunk se trouve aussi dans son casting exceptionnel. Mads Mikkelsen, Magnus Millang, Thomas Bo Larsen et Lars Ranthe interprètent magnifiquement leurs personnages, de leur quête désespérée de moments de joie à leur inexorable chute une fois l’euphorie passée. Grâce à eux, on vit Drunk comme une soirée trop arrosée. On en ressort avec la gueule de bois, des questions plein la tête et le cœur en miettes.

Adrien Roche

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra*