« Rings of Power » saison 1 : un pari déjà perdu ?

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Comme « Le Seigneur des Anneaux » avant elle, la série « Les Anneaux de Pouvoir » pourrait révolutionner son support © Prime Video

Des effets spéciaux visuellement inédits contrastés par des choix scénaristiques osés : The Rings of Power (Les Anneaux de Pouvoir) fascine autant qu’elle divise. La série la plus chère de l’histoire enchaîne les maladresses et se détériore au fil des épisodes.

Comment être l’héritière de l’une des plus grandes sagas du cinéma sans s’assurer d’être un naufrage ? Comment endosser le dur fardeau de série la plus chère de l’histoire et réussir à répondre aux attentes ? Ce sont les deux questions auxquelles Patrick MacKay et J. D. Payne, showrunners des Anneaux de Pouvoir, ont dû répondre. Avec 465 millions de dollars pour réaliser les huit épisodes de la première saison, auxquels s’ajoutent 250 millions pour les droits d’exploitation de l’œuvre de Tolkien, le groupe de Jeff Bezos a décidé de sortir le grand jeu. Après Netflix et Stranger Things, HBO et Game of Thrones, Disney+ et The Mandalorian, Amazon Prime s’offre enfin sa série phare, préquelle du monument Le Seigneur des Anneaux, et revient aux origines de la création des anneaux de pouvoir.

Être la descendante du Seigneur des Anneaux, c’est hériter d’une fan base pas toujours clémente et qui n’hésite pas à exprimer son mécontentement. Après avoir annoncé, triomphante, que l’épisode pilote des Anneaux de Pouvoir avait battu le record d’audience de la plateforme, Amazon Prime a cessé de communiquer sur son nombre de téléspectateurs. En cause : des fans de l’univers Tolkien qui n’ont pas apprécié la série. Était-ce inéluctable ? La trilogie Le Hobbit a d’abord dû subir quelques revers avant d’être à moitié acceptée par le public.

Une révolution visuelle

Plus de deux décennies auparavant, les films de Peter Jackson étaient jugés trop ambitieux : comment porter un univers aussi complexe que celui de Tolkien à l’écran ? Finalement, Peter Jackson a non seulement réussi son pari, mais il a également créé l’une des trilogies les plus marquantes de l’histoire du septième art. Avec un budget aussi conséquent, Les Anneaux de Pouvoir a suscité d’immenses attentes auprès de tous les amateurs du Seigneur des Anneaux, amoureux comme néophytes. L’enjeu était immense pour Amazon Prime, qui devait à tout prix donner le sentiment de se lancer dans une production révolutionnaire. Comme la trilogie de Peter Jackson avant elle, la série a directement avoué ses ambitions. Et si toutes les saisons sont du niveau esthétique de la première, alors il y aura un avant et un après Les Anneaux de Pouvoir.

Dès les premiers épisodes, et même dès les premiers plans, le spectateur comprend qu’il va assister à une révolution visuelle du petit écran. Des combats époustouflants, des paysages splendides, des orcs ultra-réalistes et effrayants, des cités totalement faites en Computer-Generated Imagery (CGI, animation par ordinateur) qui paraissent pourtant bien réelles… l’esthétisme justifie à lui seul de regarder cette série déjà historique, malheureusement entravée par trop de lourdeurs.

… gâchée par une infinité de maladresses

Les Anneaux de Pouvoir a tout de même une légère tendance à étaler son argent sous nos yeux. Les plans sont magnifiques, mais certains durent bien trop longtemps sans raison apparente. Les majestueuses cités Khazam-dûm et Númenor justifient largement leur temps d’écran : leur réalisme nous donne envie de visiter ces lieux fictifs. D’autres donnent un aspect trop tape-à-l’œil à la série. On aurait préféré moins de longs plans contemplatifs, et plus d’éléments scénaristiques respectueux de l’univers de Tolkien qui, comme l’ont fait remarquer les plus grands amateurs, a été largement modifié par les showrunners. L’objectif : simplifier le récit des Anneaux du Pouvoir, qui se base sur les Appendices et Annexes de Tolkien. Les événements de cette œuvre s’étalent sur des milliers d’années. Difficile, en seulement cinq saisons, de respecter leur temporalité sans perdre les téléspectateurs.

Résultat : certains personnages arrivent près d’un millénaire trop tôt, d’autres ne sont même pas mentionnés. Cela aurait pu être pardonné… si la série n’enchaînait pas les maladresses en parallèle. Le scénario donne l’impression d’être bâclé. Il va parfois trop vite, parfois trop lentement et manque cruellement de subtilité. Tous les personnages sont là pour nous faire croire qu’ils sont Sauron. Leur développement passe à la trappe, car tous ont une seule mission : afficher un grand panneau « je suis peut-être Sauron » sur leur front. Cette volonté de cacher le Seigneur du Mal des yeux du spectateur aurait pu être une bonne idée si le reste de cette première saison avait été moins rébarbatif. 

Même les clins d’œil et hommages sont, la plupart du temps, ratés. Les dialogues sont forcés, les plans similaires à ceux de la trilogie de Peter Jackson frôlent le ridicule. L’épique devient banal, et les scènes censées être fortes, caricaturales. Certains personnages sont totalement insupportables et rendent plusieurs épisodes difficiles à terminer. Les Piévelus, ancêtres des Hobbits, sont les principaux concernés. Même les Elfes sont bien trop naïfs, y compris Galadriel. Heureusement, Elrond (interprété par le génial Robert Aramayo) sauve son peuple de la palme de la niaiserie. Finalement, seuls les ancêtres de Gimli sont réussis en tous points. Si Les Anneaux de Pouvoir rattrape ses erreurs scénaristiques et continue à briller par son esthétique, alors elle pourrait bel et bien devenir un monument du petit écran. Il n’est pas trop tard pour redresser la barre…

Adrien Roche

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra*