S’exposer au froid, trouver le confort dans l’inconfort

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La beauté glaciale de la neige… © Gaël Lanoue

Cet article a été réalisé dans le cadre d’une série de « j’ai testé pour vous » des Masters 1 de l’EDJ.

L’exposition volontaire du corps au froid est en vogue depuis plusieurs années. Plus qu’une mode sur Internet, c’est un sujet étudié avec sérieux par les scientifiques. Une pratique fascinante, encore pleine de secrets…

« Mets ton écharpe, tu vas tomber malade », « Ferme ton manteau pour ne pas attraper froid »… Qui n’a jamais entendu ces sempiternelles injonctions ? Elles reviennent tous les ans, à mesure que chute le mercure. Les basses températures passent pour dangereuses, ces expressions le montrent suffisamment. Même la langue française véhicule cette idée. Pourtant, cette croyance n’est pas fondée scientifiquement. Attraper froid n’existe pas, et le froid ne fait pas tomber directement malade. Au contraire même, selon une étude hollandaise de 2015. Sinon, il faudrait avoir pitié des Islandais, Suédois, et de tous les habitants des régions polaires. Mais ces derniers ont fait du climat de leurs régions un allié. À commencer par Wim Hof, dit Ice Man. Ce Néerlandais de 62 ans détient plusieurs records d’exposition au froid. Nous avons testé sa méthode…

Les trois piliers de la « Wim Hof Method »

 Le froid, le souffle, le mental… C’est en cultivant l’harmonie entre ces trois entités que Wim Hof a tenu 72 minutes dans la glace, gravi l’Himalaya en short et couru un semi-marathon sur le cercle polaire, dans cette même tenue. Le froid, tout d’abord, n’est pas directement responsable des maladies. Mais il crée un terrain propice au développement des bactéries et virus. Un environnement froid, mais sain, ne présente donc aucun risque d’infection1.À travers des exercices de respiration, Wim Hof vise l’hormèse. C’est une réponse favorable des défenses biologiques confrontées à une dose raisonnable de stress, en vue de les renforcer. C’est le principe de la musculation (casser les fibres musculaires afin de les reconstruire plus fortes) ou de la mithridatisation (comme Raspoutine au XIXe siècle, ingérer de faibles doses de poison pour s’immuniser face à lui). Peu à peu, le corps s’habitue à supporter les basses températures. Le souffle est aussi primordial. La Méthode Wim Hof préconise l’hyperventilation, dans le but de gonfler les cellules en oxygène. Le sang circule mieux, les muscles sont mieux fournis en nutriments. Leur consommation produit de la chaleur. Grâce à cette oxygénation optimale, la volonté est plus forte. L’esprit est à même de reconfigurer sa manière de penser. Les températures basses sont vécues par le corps comme une agression dont il faut se protéger. Ici, le cerveau a la force nécessaire pour transmettre l’information contraire. « Tout va bien ». Et à la suite d’une exposition prolongée (mais contrôlée), la confiance en soi est renforcée. Le mental, à toute épreuve. Après une bonne expérience de la douche froide – la grande vedette des nouveaux chantres de la discipline sur Youtube, les promoteurs de la « pilule rouge » (« 3 étapes pour devenir un mâle alpha ») – pourquoi ne pas augmenter la difficulté ? Direction la plage, à Nice, mi-janvier, pour une baignade qui n’a rien d’improvisée…

« Qui triomphe de lui-même possède la force », Lao Tseu

Se réveiller à 7 heures du matin, plein de courage. Un premier exercice de respiration selon la méthode de Wim Hof avant de partir (à jeun, pour ne pas risquer une hydrocution). Il fait 7°C dans l’air, entre 10 et 12°C dans l’eau. Peu de vent. Reproduire l’opération, en short, sur la plage : une grande inspiration, une expiration normale, le tout une trentaine de fois. Puis vider ses poumons et retenir son souffle. Première surprise : même dans ces conditions, les deux minutes sont facilement atteignables. Prendre une grande inspiration et retenir son souffle encore quinze secondes. Recommencer un nouveau cycle de respirations identique au premier. Deux minutes et trente secondes de rétention cette fois-ci ! Le froid se fait toujours sentir, mais n’est plus désagréable. Une sensation de bien-être, d’euphorie s’installe. Quelques picotements se font sentir dans les doigts. Le corps est apaisé. Une étape nécessaire avant d’aller plus loin : un organisme en proie au stress retient moins d’oxygène. Après un bon quart d’heure d’efforts de respiration et de rétention, avoir confiance en soi et entrer dans l’eau. Le but est de continuer à maîtriser son souffle. Ainsi, aucune difficulté à s’immerger jusqu’aux épaules. Pas au-delà : mettre la tête sous l’eau empêche de poursuivre ce rythme respiratoire et fait perdre la chaleur corporelle beaucoup plus vite. Ce premier bain a duré sept minutes, jusqu’à ce que des picotements, comme une élévation de la pression sanguine, se fasse sentir dans le crâne. En réalité, le bain a déjà trop duré. De retour sur la plage, la température corporelle a chuté, mais l’organisme travaille déjà à se réchauffer. Le métabolisme s’accélère quand le corps est immergé dans l’eau froide. L’air frais d’un matin de janvier n’agresse pas en sortant.

Tentative d’explication et limites

L’immersion prolongée dans l’eau froide active des mécanismes de défense de la part du corps. L’être humain est homéotherme. C’est-à-dire que pour fonctionner correctement, ses organes vitaux (cœur, poumons, reins, par exemple) nécessitent une température constante, entre 36,1 et 37,8°C. La circulation sanguine privilégie donc les organes du tronc. L’hyperventilation préalable permet de mieux oxygéner les cellules. Les membres inférieurs et les extrémités sont alors plus en capacité de maintenir une activité normale, durant un certain temps, malgré leur baisse de température. La sensation de picotement dans les doigts vient de là. Être resté longtemps en short sur la plage à régler sa respiration a déjà permis d’ « activer le chauffage » par l’accélération du métabolisme (processus de transformation de matière et d’énergie par l’organisme). L’entrée dans l’eau en est facilitée. La clef est de continuer à respirer profondément pour garder les muscles bien alimentés. La préparation mentale est essentielle afin de se détendre et mieux retenir l’oxygène. Ainsi, une baignade en eau froide peut être bénéfique, mais reste un acte violent pour le corps. Elle est déconseillée chez les personnes atteintes de troubles cardiaques. D’autres questions restent en suspens. Comment la douche froide favorise-t-elle le sommeil, alors qu’elle active le métabolisme ? Rien n’indique enfin que la méthode de respiration consciente de Wim Hof augmente durablement le taux de saturation en oxygène des cellules, qui est déjà de 99% chez un adulte en bonne santé… Les connaissances sur l’exposition du corps au froid sont déjà vastes. Mais certains mystères du froid ont encore de beaux jours devant eux.

Appelez-moi Ice Man

Wim Hof est né au Pays-Bas en 1959. Adolescent, il devient attiré par l’eau glacée : « J’étais prêt. […] Mon énergie était prête. Je suis entré dans l’eau, pendant 30 secondes, c’était génial. Tout de suite, j’ai senti une connexion. » Après le suicide de sa femme, un autre déclic se produit dans les années 2000. Partager sa méthode, pour aider les gens à soigner leurs troubles, physiques comme psychologiques. À travers des stages en Pologne avec lui, Ice Man forme des instructeurs et bat des records tous plus fous les uns que les autres. Depuis deux décennies, il se prête à de nombreuses expériences. Les scientifiques ont ainsi observé sa capacité à maîtriser en toute conscience son système immunitaire et sa température corporelle.

  1. Sirimi, Natalia, et al. « Respiratory syncytial virus activity and climate parameters during a 12‐year period. » Journal of medical virology 88.6 (2016)  : 931-937.

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Léna Peguet.*

Gaël Lanoue