Soutiens-gorge : elles ont décidé de ne plus en porter

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1,46 milliards de soutiens-gorge seraient confectionnés par an dans le monde © Alice Dubernet

Depuis le début du confinement, les femmes sont nombreuses à dire qu’elles ne portent plus de soutien-gorge. Jean-Denis Rouillon, médecin du sport, publiait déjà en 2013 sur ce sujet. Rencontre avec ces femmes qui ont arrêté d’en porter et qui se sentent mieux.

Les épaules en feu, le dos serré, les baleines encastrées dans la peau : c’est le quotidien de nombreuses personnes qui portent des soutiens-gorge. Depuis le début du confinement les réactions sont claires : les femmes n’en mettent plus aussi régulièrement qu’avant. Le médecin du sport Jean-Denis Rouillon était donc peut-être en avance sur son temps lorsqu’il a commencé ses recherches en 1997. Sur un échantillon de 320 femmes volontaires il a démontré, à sa faible échelle, que sans soutien-gorge la poitrine semblerait en meilleure santé. Dans une conférence à l’Université de Franche-Comté en 2013 il déclare : « Le mamelon remonte en moyenne de 7 millimètres par an, les seins se raffermissent et les vergetures s’estompent. » Alors qu’à une époque cet accessoire était le symbole de la libération féminine, remplaçant le corset, il est aujourd’hui controversé.

Mathilde Cornut, Clara Carmentran et Camille Guillou sont toutes nées au 21ème siècle, ou presque… Elles ont entre 18 et 20 ans et s’accordent sur un point : elles vivent mieux sans leur soutien-gorge. « Quand on rentre chez nous on a toutes ce sentiment de soulagement parce que nous étions serrées… À force je me suis demandé : qu’est-ce qui m’empêche de ne plus en porter tout le temps ? » Clara a commencé il y a un peu plus d’un an. Pour elle, c’est le confort qui l’a emporté. « Je ne suis plus en train de remettre mes bretelles tout le temps, j’ai une sensation de légèreté. Même si j’ai une forte poitrine il n’y a aucun inconvénient, ils sont à leur place naturelle ça me permet d’être moins courbée. » Mathilde aussi se sent mieux, et pas seulement physiquement. Refuser de porter un soutien-gorge est pour elle une façon d’accepter son corps tel qu’il est. « J’ai commencé à porter des soutiens-gorge avant d’en avoir besoin, pour avoir des plus gros seins. Je me trouvais plus belle avec, je dormais même avec car je ne me supportais pas sans ». Il y a quatre ans elle réalise la pression qu’elle s’inflige et arrête complètement. « Ce qui a été assez surprenant c’est que ma mère, qui ne faisait que me dire que je n’avais pas besoin de soutien-gorge quand j’étais jeune, a commencé à me dire : Tu ne peux pas sortir sans soutif, ça ne se fait pas ».

La société est-elle prête à l’accepter?

Pour Mathilde le port du soutien-gorge n’est aujourd’hui que le résultat d’une pression sociale. « Que des jeunes filles veuillent mimer une poitrine qu’elles n’ont pas, ça me sidère encore aujourd’hui. » La poitrine féminine est érotisée selon Clara, et les regards parlent d’eux-mêmes : « Au début ça me gênait, puis je me suis dit « c’est quoi des tétons ? » On a tendance à trouver aguichant ou vulgaire de voir les seins d’une femme sous un t-shirt, alors que cela ne devrait pas l’être ». Camille est sensiblement plus jeune. Pour elle, soutien-gorge ou pas, ça lui est égal. Elle est bien avec, elle est bien sans. Elle n’en porte que pour certaines occasions et elle en est ravie : « C’est comme une ceinture, parfois j’en mets parce que ça rend ma tenue plus jolie ». Un soutien-gorge en dentelle sous un chemisier légèrement transparent par exemple. « Ce qui est sûr par contre c’est que dans certaines situations j’évite parce que je pourrais avoir des réflexions désobligeantes et ce n’est pas ce que je veux. Au travail par exemple… Ou dans des situations où je sais que les gens me poseraient des questions et je ne veux pas avoir à leur expliquer. » Une liberté de choisir qui se heurte donc à certains obstacles pour ces femmes.

Un choix qui peut être militant

Pour Mathilde ne plus porter de soutien-gorge est aussi un acte militant. Féministe convaincue elle pense que la lutte passe aussi par son corps : « J’ai arrêté dans un but politique, parce que j’en avais marre de la pression sociale sur les femmes. Je crois que de toute façon arrêter de porter des soutiens-gorge ça aide à mieux s’accepter soi, et la lutte féministe doit passer par là. Pour se servir de son corps à des fins militantes et politiques il faut d’abord apprendre à l’aimer. » Camille, elle, n’a pas réfléchi à un possible engagement en premier lieu… Mais plus elle y pense, plus elle commence à l’y assimiler : « Ce n’était pas mon objectif principal, mais je pense oui, que ça rentre dans tout le processus militant. » Comme Clara, Camille et Mathilde, de nombreuses femmes ont arrêté de porter leur soutien-gorge pendant le confinement. Pour la plus jeune c’est même une situation qui l’encourage : « Ça me conforte encore plus dans ma phase de progression on va dire… J’envisage de ne plus en porter du tout ». Pour le moment aucune autre étude que celle du docteur Rouillon n’a été proposée, il confie en 2013 au journal gratuit 20 Minutes : « Il faudrait maintenant une étude à plus grande échelle, pour voir si le soutien-gorge ne protège pas, finalement, que du froid et des regards. »